Les quatre hommes soupçonnés d’avoir voulu renverser l’Etat auraient été torturés puis assassinés. Le gouvernement a ordonné une enquête.
Le gouvernement de Sao Tomé-et-Principe a ordonné, jeudi 1er décembre, une enquête sur « des actes cruels et inhumains » présumés commis par des militaires sur des hommes accusés par le premier ministre d’avoir tenté, le 25 novembre, de mener un « coup d’Etat », annonce STP-Press, l’agence de presse publique.
Le chef du gouvernement, Patrice Trovoada, avait affirmé, le 25 novembre, que quatre assaillants avaient été capturés après six heures d’échanges de tirs au quartier général de l’armée dans la capitale, Sao Tomé, ainsi que deux « commanditaires » arrêtés plus tard chez eux, dont l’ex-président de l’Assemblée nationale sortante et opposant, Delfim Nevès.
Le même jour, de nombreuses photos et vidéos, non authentifiées par l’AFP, circulaient abondamment sur les réseaux sociaux. Elles prétendaient montrer des actes de torture et des interrogatoires musclés de trois des assaillants et de l’un des « commanditaires » présumés, Arlécio Costa, opposant et ancien mercenaire, par des hommes en treillis militaires. Puis d’autres images prétendaient montrer les quatre mêmes hommes décédés.
Deux jours plus tard, le chef d’état-major, Olinto Paquete, annonçait que trois des quatre assaillants avaient été tués dans une « explosion », sans plus de détails, qu’Arlécio Costa avait péri « en sautant d’un véhicule », et que 12 militaires ayant « participé » à la tentative de putsch avaient été arrêtés.
M. Paquete a annoncé sa démission lors d’un point presse jeudi, a indiqué STP-Press. Il a mentionné notamment la diffusion d’images choquantes, et assuré ne pouvoir « accepter de telles atrocités et des actes de trahison qui portent atteinte à la patrie ». Le gouvernement a quant à lui demandé aux autorités judiciaires « d’enquêter sur des actes cruels, dégradants et inhumains perpétrés contre des individus à l’état-major des armées et dont les images ont choqué et indigné la société », écrit l’agence santoméenne, citant une note du gouvernement. Celle-ci précise que ces actes présumés ont été perpétrés « sur des individus impliqués dans la tentative de coup d’Etat et l’assaut contre l’état-major » du vendredi 25 novembre.
« Zones d’ombre »
M. Trovoada avait affirmé devant les caméras que l’armée avait déjoué une « tentative de coup d’Etat » et que quatre assaillants capturés avaient « dénoncé » MM. Nevès et Costa comme étant les « commanditaires ». Mais des Santoméens et des ONG locales multiplient, depuis, les posts sur les réseaux sociaux soulevant des « zones d’ombre » dans les faits et leur chronologie, et les commentaires acerbes ou horrifiés sur les photos et vidéos diffusées.
M. Nevès, remis en liberté sous contrôle judiciaire mardi, a dénoncé le lendemain devant la presse un « simulacre » destiné à « éliminer » physiquement des « personnalités politiques gênantes » dont il « fait partie ». Et accusé ses auteurs d’avoir tué ceux qui pouvaient les confondre, M. Costa et les trois assaillants.
Dans l’après-midi, le premier ministre a battu en brèche les accusations selon lesquelles la tentative de coup d’Etat serait une manœuvre du pouvoir : « Quel serait le but du gouvernement d’organiser un coup d’Etat contre lui-même alors que nous avons pris nos fonctions il y a quinze jours ? », a interrogé M Trovoada.
Sao Tomé-et-Principe, petit archipel très pauvre du golfe de Guinée, indépendant du Portugal depuis 1975, est considéré comme un modèle de démocratie parlementaire en Afrique, où les alternances au pouvoir se font sans heurts depuis la fin du régime du parti unique en 1991. Et malgré deux tentatives de coups d’Etat, en 2003 et 2009, dans lesquelles, déjà, Arlécio Costa avait été impliqué, arrêté et condamné, puis gracié.