Syrie et carnage occidental : massacre sous fausse bannière de la Ghouta (21 août 2013)

Le lundi 9 décembre 2024, les rédactions de France et de Navarre exultent ! Le «tyran» et «boucher» Assad est tombé, après presque quinze années de guerre de l’Occident, un blocus criminel et des centaines de milliers de morts. L’armée des «rebelles» a vaincu. Des «rebelles» qui sont aussi des «islamistes djihadistes», une information dont la divulgation est désormais autorisée par la Kommandantur de l’OTAN». Brrrr», tremble le petit Occidental un peu perdu à vrai dire car, pendant vingt ans, on lui a dit que les «djihadistes» avec des longues barbes (à ne pas confondre avec le père Noël !) sont les pires ennemis de la démocratie. Mais quelques photos prises cette fois sous le bon angle, une barbe coupée de près et un costume à l’occidental font subitement d’Abou Mohammad al-Joulani non plus un terroriste dont la tête est mise à prix par le FBI pour 10 millions de dollars, mais un «radical pragmatique», sauveur du peuple syrien et de la démocratie. Attention toutefois, préviennent les gouvernements et les rédactions (c’est la même chose) en Occident : il ne faudrait pas que la Syrie se disloque dans une guerre ethnique monstrueuse faisant des centaines de milliers de morts ! Ça n’est évidemment pas le but, ni des pays occidentaux, ni des Israéliens, certes menteurs patentés, massacreurs génocidaires, promoteurs du terrorisme d’État, mais avant tout «défenseurs de la démocratie» et «bienfaiteurs de l’humanité» comme tout petit Français qui écoute sagement son journal du matin sur Radio France ou qui regarde religieusement son journal du soir sur France 2 en est heureusement et scrupuleusement informé. N’avait-il pas déjà été informé le 21 août 2013, avec la rigueur et l’impartialité qui toujours caractérisent nos journalistes français, que le massacre de la Ghouta était dû au «boucher» Assad, ce monstre sanguinaire n’hésitant pas à tuer par dizaines de milliers sa propre population ?
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Cet article reprend l’entrée no 58 de l’essai «Index obscurus : deux siècles et demi de complots 1788-2022», publié aux éditions JC Godefroy en janvier 2024. Ce livre s’attache à démontrer combien l’utilisation péjorative du terme «complotiste» n’a pas de sens : les complots, très souvent par le biais d’attentats sous fausse bannière, pullulent dans l’histoire humaine, et particulièrement dans l’histoire occidentale moderne.

En 2011, la Libye – pays le plus développé du continent africain selon l’indicateur IDH – est ramenée à l’âge de pierre par les bombardements de l’OTAN. Le chiffre inventé de 6000 manifestants tués par la «répression», brandi par la très corrompue Ligue libyenne des droits de l’homme et repris en chœur par tous les médias occidentaux, aura conduit à des dizaines de milliers de civils effectivement tués sous les bombes des avions français, anglais ou américains. Ce «succès» enhardit nos bouchers de l’OTAN, poussés par leur poste avancé israélien au Moyen Orient : la prochaine cible sera la Syrie. Dès le mois de février 2011, l’ancien candidat à la présidence US John McCain fait convoyer des armes en direction de groupes «islamistes» sous contrôle occidental installés en Syrie. Le 20 mars 2011, comme pour Benghazi en Libye, un groupe d’émeutiers proches des Frères musulmans s’attaque au Palais de justice de la ville de Deraa puis, se laissant sagement guider par des agents du Mossad, il s’en prend à un centre de renseignements militaires se consacrant à la surveillance des activités israéliennes sur le Golan occupé. Des snipers, prétendument de l’armée syrienne, apparaissent sur les toits de Deraa et font plusieurs dizaines de morts, tant du côté des forces de l’ordre que des manifestants. Le président Bachar el-Assad réagit en promulguant un certain nombre de lois protégeant le droit de manifester et en donnant la consigne expresse aux armées de ne pas réprimer les manifestants ou pseudo-manifestants. Il est d’emblée évident que la Syrie fait l’objet d’une tentative de coup d’État organisé par l’Occident, le Qatar et Israël et mené par des groupes d’«islamistes» manipulés. Parmi les cris des «manifestants», on peut entendre de véritables appels au nettoyage ethnique, voire au génocide : «Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites au tombeau !»

En août, un Conseil national syrien est créé à Istanbul. Une mission d’information de la Ligue arabe, créée sur la demande du Qatar, ne va cependant pas rendre les bonnes conclusions et vivement déplaire aux journalistes occidentaux : il n’y a pas de révolution en Syrie et il n’y a pas eu de répression sanglante alors que les médias étrangers étaient autorisés à couvrir les événements. Impossible évidemment dans ces conditions d’obtenir la «no-fly zone» qui avait permis à l’OTAN d’effectuer ses bombardements meurtriers en toute impunité sur la population civile libyenne. Armés par l’OTAN, les groupes de mercenaires «islamistes» s’emparent d’un certain nombre de villes proches de la frontière turque, au nord-est de la Syrie. Ils imposent dans celles-ci une forme de «charia» ultra-violente et sèment la terreur autour d’eux. Le 9 avril 2013 est créé l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), également appelé ISIS (Islamic State of Iraq and Sham) ou Daech, son acronyme en langue arabe, dont l’essentiel des ressources va provenir du pillage des champs de gaz et de pétrole syriens, emportés par longs convois de camions en Turquie sous la protection de l’OTAN. L’Occident cherche sans cesse des prétextes pour pouvoir bombarder les populations civiles de Syrie, évoquant par exemple de ridicules jets depuis des hélicoptères de barils de poudre, censés prouver la barbarie rétrograde des autorités syriennes, incapables d’utiliser comme savent si bien le faire les Américains ou les Israéliens, du napalm, du phosphore blanc ou de l’uranium appauvri. Le prix Nobel 2009 ultra-gaguesque Barack (Obama) décide que la «ligne rouge» sera franchie si le «régime de Bachar» fait usage de gaz pour «réprimer» sa population. Les esprits sagaces auront tout de suite compris que la prochaine étape sera l’organisation d’une attaque au gaz sous fausse bannière immédiatement attribuée à «Bachar». Celle-ci ne se fait pas attendre.

Le 21 août 2013, dans la banlieue de Damas, une attaque au gaz sarin imputée aussitôt aux forces syriennes fait plus de 500 morts (certains bilans évoquent même jusqu’à 2000 civils tués) et des milliers de blessés. Les États-Unis et ses valets, le Royaume-Uni et la France, s’emparent de ce prétexte qui en rappelle bien d’autres – de l’USS Maine au 11 septembre en passant par l’USS Maddox – et se proposent de «sauver» le peuple syrien à coups de missiles Tomahawk. La Russie – échaudée par l’erreur qui l’a conduite à faire confiance aux diplomates occidentaux et à s’abstenir lors du vote de la résolution 1973 sur l’instauration d’une «zone d’exclusion aérienne» en Libye – empêche heureusement cette énième boucherie, s’opposant à toute intervention étrangère et bloquant à l’ONU la résolution mensongère qui s’apprêtait à donner un semblant de légitimité (le vernis suffit dans ces cas-là) à cette nouvelle tentative de carnage occidental. Moscou avance qu’il n’y a aucune preuve indiquant que ce soient les forces armées syriennes qui aient commis l’attaque au gaz sarin, ce qui de fait n’aurait aucun sens, et qu’il pourrait s’agir au contraire d’une monstrueuse manipulation des mercenaires du Front al-Nosra ou de ceux de l’Armée syrienne libre (ASL), les deux monstres créés par l’Occident pour lui permettre, après la Libye, de piller la Syrie. Une hypothèse reprise six mois plus tard, dans le plus grand silence des médias français, par le journaliste américain et prix Pulitzer 1970 pour ses révélations sur le massacre de Mỹ Lai au Vietnam, Seymour Hersh. De prétendues interceptions téléphoniques d’officiers syriens sont brandies pour démontrer la responsabilité de l’armée syrienne : il s’agit en vérité de faux grotesques produits par le renseignement israélien, un spécialiste du genre. On se rappelle qu’Israël avait déjà utilisé de fausses interceptions d’officiels libyens lors de l’attentat de la discothèque La Belle à Berlin en 1986. Le comble de l’ignominie est atteint avec une vidéo diffusée par l’ASL et qui prétend montrer des enfants tués au gaz sarin afin de dénoncer les «horreurs» du «boucher» Assad. Des parents finiront par y reconnaître leurs propres enfants, enlevés quelques jours plus tôt par des nervis «djihadistes» de l’OTAN dans des villages alaouites (branche du chiisme dont fait partie le président al-Assad) près de la ville de Lattaquié. Ce sont les assassins eux-mêmes, tournant autour des corps de leurs victimes comme des vautours, qui tentent donc de faire passer leurs propres crimes pour un massacre causé par leur adversaire.

Le 14 janvier 2014, deux professeurs du Massachusetts Institute of Technology, Richard Lloyd et Theodore Postol, démontrent que les obus chimiques ont été tirés depuis la zone contrôlée par les rebelles. Dans le numéro du 3 septembre 2013 de Libération, le journaliste Bernard Guetta expliquait pourtant à ceux qui réclamaient des «preuves» au sujet du massacre de la Ghouta : «Les faits sont (…) établis et, pour ce qui est de savoir qui en est responsable, la réponse relève du simple bon sens». Le glorieux journaliste français à la probité exemplaire sous-entendait que quiconque osait prétendre que le massacre de la Ghouta n’avait pas été commis par l’armée syrienne était soit fou, soit complice. Il aura fallu quatre mois pour démentir le «bon sens» d’un Bernard Guetta. Entre-temps, sur la foi donc du «bon sens» de notre journaliste devin, les habitants de Damas seront passés tout près d’un bombardement «chirurgical» des forces occidentales, rien ne valant évidemment mieux pour libérer une population de son «dictateur» que de l’écraser sous les bombes.