Le président français a annoncé la fin de l’opération Barkhane « sous sa forme actuelle » et la « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel.
C’était attendu, c’est désormais confirmé. Jeudi 10 juin, Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane « sous sa forme actuelle » et une « transformation profonde » de l’engagement militaire français au Sahel, dont « les modalités précises et le calendrier seront précisés dans les jours à venir » – probablement fin juin, lors du sommet de la Coalition pour le Sahel prévu à Bruxelles.
L’opération Barkhane, lancée en août 2014, avait succédé à l’opération Serval déclenchée en janvier 2013 pour contrer l’offensive de groupes jihadistes vers le sud du Mali. Selon Emmanuel Macron, elle sera remplacée par une « opération d’appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaitent », laquelle s’inscrira dans une alliance internationale de lutte contre le terrorisme au Sahel.
Nous ne pouvons pas sécuriser des zones qui tombent dans l’anomie parce que les États ne prennent pas leurs responsabilités
« Le temps est venu. La poursuite de notre engagement au Sahel ne se fera pas à cadre constant […]. Nous ne pouvons pas sécuriser des zones qui tombent dans l’anomie parce que les États ne prennent pas leurs responsabilités », a expliqué le président français.
Une décision annoncée
Ce changement stratégique annoncé par Emmanuel Macron n’a rien d’une surprise. Il était en discussion à Paris depuis fin 2020. Début 2021, en amont du sommet du G5 Sahel à N’Djamena, le 15 février, le président français avait reçu successivement en tête-à-tête ses homologues sahéliens. À tous, il avait fait part de sa volonté de « reconfigurer » son dispositif militaire au Sahel, tout en restant engagé dans la lutte contre le terrorisme, aux côtés de différents partenaires internationaux. À l’époque, une diminution des moyens déployés et donc une réduction des effectifs étaient déjà prévus. L’état-major avait notamment été chargé de travailler sur différents schémas de planification en ce sens.
Face aux inquiétudes exprimées par ses partenaires sahéliens, qui redoutaient une période de flottement sur le terrain en cas de diminution du contingent français, Macron avait finalement accepté de différer son calendrier de quelques mois, convaincu notamment par l’envoi de 1 200 soldats tchadiens dans la zone des « trois frontières » et la relance de l’application de l’Accord de paix d’Alger au Mali.
Il ne s’agit pas d’une décision solitaire
Initialement, le réajustement de l’opération Barkhane devait être annoncé fin juin, lors du sommet de la Coalition pour le Sahel prévu à Bruxelles. Mais le deuxième coup d’État en neuf mois du colonel Assimi Goïta, fin mai, à Bamako, a changé la donne et accéléré les choses. Après avoir dénoncé un geste « inacceptable », puis déclaré qu’il « ne rester[ait] pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition », Emmanuel Macron avait annoncé, le 3 juin, la suspension temporaire des opérations militaires conjointes avec l’armée malienne. Une décision forte et inédite, qui en dit long sur la perception française du coup de force perpétré par Assimi Goïta, désormais nouveau président de la transition malienne.
« Nous avons suspendu nos opérations au Mali pour faire pression. Mais le président ne veut pas non plus laisser s’installer un flottement. Il faut donc aller assez vite, d’où la nécessité de donner aujourd’hui une tendance sur l’évolution de notre dispositif, estime une source élyséenne. Pour l’instant, les signaux que nous recevons des autorités maliennes vont plutôt dans le bon sens. Il nous faut désormais un endossement du cadre politique de la transition par la Cedeao et l’UA. Nous devons également consulter nos partenaires du G7 et de l’Otan, notamment les États-Unis et les pays européens engagés dans la task force Takuba, avec lesquels le président s’entretiendra lors des sommets à venir. Il ne s’agit pas d’une décision solitaire. »