Russie-Afrique : à Sotchi, les dirigeants africains répondent à l’appel de Vladimir Poutine

Ouverture réussie pour le premier sommet Russie-Afrique organisé par Vladimir Poutine et co-présidé par le président en exercice de l’Union africaine (UA), Abdel Fattah al-Sissi. Les dirigeants africains ont répondu à l’appel de Sotchi et, en ce premier jour surtout consacré à la coopération économique, promesses, serments d’amitié et contrats se sont multipliés.

Dans les allées bondées du bâtiment principal du Parc Sirius, construit spécialement pour les Jeux olympiques de 2014, les délégations se suivent en rangs serrés, chefs d’Etat impassibles entourés de ministres tout aussi sérieux, d’officiers de sécurité concentrés et de photographes virevoltants. Pour cette première journée, et même si l’organisation ne donne pas encore de liste officielle et se contente d’évoquer « plus de 40 chefs d’État africains » présents à Sotchi, il est clair que Vladimir Poutine a réussi son pari. Celui de faire de la station balnéaire flambant neuve des bords de la Mer noire, pour deux jours au moins, l’épicentre de l’Afrique, le lieu où tout se passe.
60 ans de relations russo-africaines

Entre les stands d’exposants – principalement de grosses entreprises russes désirant exporter leur savoir-faire sur le continent ou s’y tailler une place plus importante – , la célèbre agence de presse russe TASS expose 170 clichés retraçant plus de 60 ans de relations russo-africaines. Les paysages ou les images de sportifs célèbres côtoient la photo du président égyptien Nasser serrant la main de Gagarine, ou une vue monumentale du chantier du non moins monumental barrage d’Assouan. Le message est limpide : l’amitié entre la Russie – soviétique ou non, cela importe peu – et le continent ne date pas d’hier. Message apparemment reçu cinq sur cinq par les visiteurs, à commencer par l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, co-président de la cérémonie d’ouverture. Qui souligne combien la Russie s’est toujours comportée en « partenaire fiable du continent ».

Au premier rang de la salle de conférence, les nombreux dirigeants qui ont fait le déplacement opinent. Ont répondu à l’appel Denis Sassou Nguesso, Alpha Condé, Ibrahim Boubacar Keïta, Roch Marc Christian Kaboré, Alassane Ouattara, Félix Tshisekedi, Mahamadou Issoufou, Paul Kagame, Patrice Talon, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Ismaïl Omar Guelleh, Cyril Ramaphosa, Muhammadu Buhari, Nana Akufo-Addo, João Lourenço, Andry Rajoelina, Uhuru Kenyatta, Danny Faure, Macky Sall et beaucoup d’autres, accompagnés de dizaines de ministres… Un temps annoncé, le roi Mohammed VI a finalement délégué son chef du gouvernement, Saadeddine El Othmani. Quant à Paul Biya, qui brille par son absence, il semble qu’il ait finalement préféré rester à Yaoundé pour y recevoir le ministre français Jean-Yves Le Drian.

Doubler les échanges commerciaux avec l’Afrique

Tant pis pour les absents : c’est aux présents que Vladimir Poutine réserve ses annonces en forme de promesses. La Russie qui, rappelle-t-il, a déjà effacé pour 20 milliards de dettes contractées au temps de l’URSS, va continuer à soutenir l’Afrique dans son développement et entend « doubler le volume de [ses] échanges commerciaux avec le continent en quatre ou cinq ans. »

Et dans ce but, le président russe s’investit pleinement, se faisant accompagner lors des entretiens bilatéraux qui ont rythmé cette première journée de sommet par les dirigeants de grandes entreprises, au premier rang desquelles Rosatom, qui annonce avoir signé plusieurs accords dans le domaine du nucléaire, « dont un tiers sont déjà formalisés ». Sont notamment évoqués la Zambie, l’Égypte, l’Éthiopie et le Rwanda.
Relation gagnant-gagnant

Dans ce domaine comme dans les autres, les intentions avancées par Moscou sont limpides : il s’agit d’établir – ou plutôt de rétablir – une ambitieuse relation gagnant-gagnant dont le vice-ministre des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, dessine clairement les contours : instaurer « un vrai dialogue », être aux côtés des « amis » africains dans leur lutte contre les nouvelles formes de « colonialisme ». Le message est clair – les Russes ont toujours soutenu les Africains et continueront à le faire face aux « anciennes puissances coloniales » et à celles qui, aujourd’hui, semblent caresser l’envie de leur succéder.

Une allusion limpide aux ambitions chinoises sur le continent. Parmi les visiteurs africains, le message passe visiblement plus que bien. Venu porter la parole des agences de presse du Maghreb, le Marocain Khalil Hachimi Idrissi évoque ainsi « la présence médiatique du Nord qui écrase tout » sur le continent, « de façon asymétrique et parfois malveillante », y opposant « un partenaire qui peut être une force d’équilibre, porter une voix différente et se montrer plus respectueux des spécificités locales : la Russie ».

À la veille d’un sommet plus politique

C’est donc dans la bonne humeur et sur l’air de l’ami retrouvé que se termine cette première journée à Sotchi. Demain, le Forum économique se poursuit mais sera doublé d’un sommet plus politique et diplomatique. Et tandis que le site du village olympique, plongé dans la nuit, se vide de ses visiteurs, un observateur venu d’Afrique du l’Ouest livre ses premières impressions sur l’ambiance de la journée : « C’est formidable toutes ces promesses et ces déclarations d’amitié, lâche-t-il sur un ton teinté d’ironie. Ce que je me demande c’est ce qui motive les Russes. La générosité ? Ce que je sais en tout cas parce que je ne suis plus très jeune, c’est que du temps de l’URSS ils nous avaient déjà beaucoup soutenus, mais malheureusement ils avaient aussi essayé de propager le marxisme en Afrique sans chercher vraiment à comprendre nos problèmes et nos spécificités. Il n’y a pas que moi qui le dis : René Dumont et Jean Ziegler l’ont écrit il y a déjà longtemps. J’espère que les Russes auront retenu la leçon. »