Pendant que les Européens prônent des valeurs, la Chine convainc le continent par sa puissance de frappe financière et l’efficacité de ses grands chantiers.
Une voie rapide qui s’étend sur 27 kilomètres au cœur de Nairobi et relie le principal aéroport du Kenya au quartier central des affaires de la capitale, au musée national et au palais présidentiel. Sa construction n’a duré que deux ans sous l’égide de la Chine.
Selon l’étude publiée par la fondation Friedrich Naumann, les entreprises d’Etat chinoises devancent de plus en plus leurs concurrentes européennes grâce à la rapidité de leurs décisions et de l’exécution de leurs contrats en Afrique. L’étude réalisée par cette fondation proche du parti libéral allemand a été menée auprès de plus de 1.600 décideurs dans 25 pays.
Démocratie, droits de l’homme…
Les personnes interrogées peignent une Europe qui cherche avant tout à exporter des valeurs vers l’Afrique, tandis que des crédits, des pelleteuses et des ouvriers arrivent de Chine.
Stefan Schott, chef de projet pour la fondation Friedrich Naumann, explique à la DW que “nous ne conseillerions jamais de jeter par-dessus bord les valeurs européennes de démocratie, de droits de l’homme et de durabilité. Personne ne peut le souhaiter, ce serait dommageable, cela nuirait plutôt à la position de l’Europe au final.”
“Mais, poursuit-il, il faut tout de même examiner d’un œil critique si toutes les normes que nous fixons sont vraiment nécessaires. Si l’on peut vraiment aborder les conditions en Afrique selon les normes européennes ou si elles ne sont pas en partie exagérées.”
L’Union européenne parle de valeurs, mais si une route achevée mène à un village, c’est aussi une valeur, pense Stefan Schott.
Déficit d’infrastructures en Afrique
L’Union africaine inscrit le développement des infrastructures dans son Agenda 2063. De même, la Banque africaine de développement estimait en 2018 à une centaine de milliards le gap pour le financement des infrastructures.
Selon l’économiste James Shikwati et co-auteur de l’étude, les Chinois ont su répondre aux besoins des Africains.
“Vous constaterez que l’UE est prisonnière de ses propres valeurs, imposant à l’Afrique sa propre vision du monde”, fait-il observer à la DW.
Il ajoute : “Et ce faisant, elle n’est pas en mesure d’écouter les besoins de la population africaine. De l’autre côté, nous avons les Chinois qui se concentrent surtout sur ce que l’on appelle le matériel, c’est-à-dire les infrastructures qui peuvent transformer et ouvrir l’Afrique à eux-mêmes et au reste du monde.”
Selon Stefan Schott de la Fondation Friedrich Naumann, les Européens sont cependant mieux perçus par les décideurs africains, côté normes sociales, emploi pour la main-d’œuvre sur place, les normes environnementales, la qualité des produits.
Pas d’ingérence dans les affaires internes
Sur une liste de 17 critères, les Chinois ne sont en tête que pour 4 : ils prennent des décisions plus rapidement, mettent en œuvre des projets plus rapidement, s’ingèrent moins dans les affaires intérieures – et ont moins de scrupules à recourir à la corruption, qui, selon la perception des personnes interrogées, est pourtant également utilisée par les entreprises européennes.
Stefan Schott indique que “De toute évidence, ces quatre indicateurs sont les plus décisifs, …. sinon rien ne peut expliquer le succès des Chinois en Afrique”.
Il conclut que “Les Européens doivent simplement en tirer les conclusions. Et peut-être aussi comment être moins perçus comme quelqu’un qui se mêle de tout et qui dit aux Africains comment ils doivent faire. Le comportement paternaliste des Européens est un problème, les Africains ont plutôt des difficultés avec cette attitude”.
Une piste pour mieux concurrencer la Chine se situerait au niveau de l’investissement. L’économiste kényan James Shikwati demande plus d’investissements européens en Afrique. Les investissements en Afrique ne seraient que de 4%, le reste allant au Royaume-Uni, en Europe et dans d’autres régions. 4% suffisants tout de même pour consolider l’influence de la Chine en tant que principal partenaire commercial sur le continent.