En pleine flambée des cours des hydrocarbures, l’Europe occidentale lorgne le pétrole nigérian. Pourtant, la population du premier producteur d’or noir d’Afrique subsaharienne ne profite pas de cette opportunité. Au contraire.
Branle-bas de combat, depuis l’intervention russe en Ukraine, au cœur d’une Union européenne prise en étau : d’un côté, le devoir de prendre des sanctions économiques contre l’agresseur ; de l’autre, la dépendance à l’égard de cette énergie russe qu’il serait de bon ton de boycotter. « Notre temps est venu », pensent tout haut les ressortissants d’une Afrique riche mais appauvrie, riche d’une petite quinzaine de pour-cent des réserves mondiales d’hydrocarbures…
Et des diplomates de l’UE de négocier, en début de semaine, avec la compagnie pétrolière publique nigériane, 40 % de son gaz étant déjà exportés en Europe. Et les leaders du Nigeria, du Niger et de l’Algérie de conclure, il y a quelques semaines, un accord pour redémarrer les travaux d’un vaste projet de gazoduc transsaharien de 4 000 km…
Si les cordonniers ont la réputation d’être les plus mal chaussés, le premier producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne est actuellement confronté à une grave pénurie d’essence qui pourrait ressembler à un running gag si le quotidien des Nigérians n’était pas devenu un casse-tête.
Depuis le mois de janvier déjà, de longues files d’automobilistes se déploient dès sept heures du matin dans les stations-service de Lagos, Abuja, Ibadan ou Enugu, en quête d’une denrée rare : un plein d’essence, voire le remplissage de jerrycans. Avec le début du conflit en Ukraine, en février, la flambée des cours des hydrocarbures a eu pour conséquence de doubler le prix du diesel dans un Nigeria producteur de pétrole qui… importe du carburant.
2 % du PIB
Dans le pays le plus peuplé du continent, les problèmes énergétiques ne sont pas que conjoncturels. Ils sont structurels et multidimensionnels : dépendance excessive au pétrole notamment pour s’alimenter en électricité, vétusté des raffineries du pays, exportations excessives de brut, mauvais approvisionnement en gaz, annulations de vols faute de kérosène, développement du secteur des carburants frelatés, faiblesses et défauts de maintenance du réseau électrique avec 206 pannes répertoriées entre 2010 et 2019 – délestages, ces derniers mois, dans des aéroports, des hôpitaux et même dans la résidence du président Buhari –, difficultés individuelles d’alimenter les générateurs diesel, recrudescence des accidents de voitures dans des rues plongées dans le noir…
Alors que les gestions du pétrole et de l’électricité sont imbriquées, la Banque mondiale considère que les seules coupures électriques coûteraient au Nigeria quelque 2 % de son PIB. Et que dire de l’impact de la pénurie d’essence sur l’efficacité de l’économie, quand les citoyens qui n’ont pas capitulé en restant à la maison doivent perdre des heures à attendre le précieux carburant ?