Migrants en Tunisie : les centres du HCR sont-ils sûrs ?

C’est la question qui se pose après la mort récente d’un enfant dans un centre géré par le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés.

La mort d’un enfant de trois ans dans un centre d’hébergement géré par le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) dans le Sud tunisien relance le débat sur l’accueil des migrants en Tunisie. Des manquements sécuritaires sont évoqués alors que les moyens manquent pour gérer les flux migratoires dans le pays.

Ce drame aurait-il pu être évité grâce à de simples barres d’appui aux fenêtres ? C’est l’une des réponses qui devraient être apportées par l’enquête en cours autour du décès d’un enfant tombé de plusieurs étages jeudi 20 août du centre d’hébergement de Medenine, dans le sud de la Tunisie, co-géré par le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et le Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR).

Pour l’instant, aucune des deux organisations ne sait avec certitude si le petit garçon d’origine éthiopienne qui y vivait depuis septembre 2019 avec son père est tombé du quatrième étage ou bien du toit du bâtiment. Dans le premier cas, c’est l’absence de barres d’appui qui serait mise en cause. Dans le second, une porte en fer fermée à clef y interdisant l’accès aurait été forcée par ses résidents.
Problèmes de sécurité

Au HCR, on indique que le cahier des charges de cette ancienne résidence universitaire ne prévoyait pas de barres d’appuis aux fenêtres, tout en assurant qu’elles y seront prochainement installées. Le muret qui délimite la terrasse devrait quant à lui être rehaussé. Autre ligne de défense : les enfants ne seraient pas censés y circuler dans les étages, des espaces leur étant réservés au rez-de-chaussée. Mais ces mesures seraient difficiles à faire respecter alors que les résidents se regroupent souvent par affinités.

« Des résidents nous ont confié qu’ils avaient dénoncé des problèmes de sécurité mais rien n’a été fait », rapporte Monjii Slim, correspondant du Croissant-Rouge à Medenine. « Mais il se peut aussi que des résidents aient ouvert la porte du toit pour échapper la nuit à la chaleur qui peut être terrible dans la région, c’est aussi un point à considérer », poursuit-il.

Au-delà des manquements et responsabilités individuelles, l’accident pose la question de l’accueil des migrants dans le pays

Une enquête interne a été diligentée au sein du HCR. Au-delà des manquements et responsabilités individuelles, l’accident pose la question de l’accueil des migrants et réfugiés dans le pays. Le traitement des demandes d’asiles se faisant au cas par cas par l’organisation onusienne, la durée des séjours peut se prolonger indéfiniment.

La victime et son père vivaient par exemple depuis un an dans ce centre qui héberge plus de 140 personnes, dont plusieurs enfants et leurs familles. Bon nombre sont arrivés par la Libye dans des conditions difficiles. Le HCR a temporairement fermé son centre dans ce pays en guerre en janvier dernier.

Dans le Sud tunisien, le HCR héberge en tout 632 demandeurs d’asile répartis sur trois centres et dans des appartements entre Medenine et Zarzis, près de la frontière. Mais le nombre de migrants (ceux qui ne peuvent prétendre à l’asile) est bien plus élevé dans la région, près du double selon le Croissant-Rouge.
Vulnérabilité

Les arrivées récentes sont certes réduites depuis la crise du Covid-19 du fait de la surveillance de la frontière. « Rares sont ceux qui arrivent à se faufiler sur les routes désertiques », explique Monjii Slim.

Mais la gestion de l’épidémie ayant largement entamé les finances des ONG, la vulnérabilité de nombreuses personnes en transit dans le pays est accrue. Une situation qui accentue le manque de moyens, alors que le HCR disait déjà n’avoir perçu que 60 % des finances nécessaires à la couverture de son action dans le pays en 2020.

« C’est une question de budget, clame aussi Rafika Fejjari, chargée de communication du CTR. Nous ne gérons le centre de Medenine que depuis neuf mois et, avec le Covid-19, nous avons donné la priorité au volet sanitaire car une partie du public que nous accueillons venait sans protection de Libye ou d’Algérie. Il nous faut aussi composer avec les moyens du bord pour assurer les besoins vitaux, le logement et l’éducation. »