Le sort des otages locaux préoccupe au Mali, depuis l’échange de prisonniers entre les autorités et les groupes armés djihadistes ayant favorisé la libération de Soumaïla Cissé et trois autres ex-otages occidentaux.
La libération, le 8 octobre dernier, de plus de 200 détenus présumés djihadistes par les autorités maliennes, ranime le débat sur le sort des otages civils et militaires toujours aux mains de groupes armés opérant au Sahel.
Cette opération de libération d’envergure a permis d’obtenir la mise en liberté de l’opposant malien Soumaïla Cissé, enlevé le 25 mars 2020, en pleine campagne des législatives dans sa circonscription électorale Niafunké, dans la région de Tombouctou, et celle de trois autres otages occidentaux, deux Italiens et l’humanitaire française de 75 ans, Sophie Pétronin, kidnappée en décembre 2016 à Gao.
Ce deal, dont certains contours restent encore flous, est inédit de par son ampleur dans les opérations d’échanges de prisonniers entre les groupes armés et les gouvernements locaux.
Selon plusieurs sources, quelques 200 prévenus djihadistes ou supposés tel ont bénéficié de cet élargissement, en plus d’un versement d’une rançon de 10 millions d’euros. Parmi les personnes libérées, certaines sont identifiées comme des cerveaux d’attentats ayant endeuillé le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, ces dernières années.
Les mêmes sources rapportent que 29 d’entre elles avaient été arrêtées par l’armée française dans le cadre de l’opération Barkhane, qui a fait de la lutte contre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) sa mission prioritaire.
Colère et inquiétude
Des proches de soldats français tués au Mali ont exprimé leur colère suite à ces libérations. Beaucoup craignent que les éléments libérés ne renforcent les effectifs de l’organisation, et causent des pertes aux soldats français.
D’autres pays ont également manifesté leur inquiétude, notamment le Burkina Faso, frontalier du Mali, en proie aussi à l’activisme de groupes djihadistes, qui ont tué plusieurs dizaines de militaires burkinabé.
Dans une interview à France 24 et RFI, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a estimé que le Mali a payé « cher » la libération des ex-otages. Avant d’ajouter que l’armée burkinabé avait commencé à prendre le dessus sur le terrain. Cependant, reconnaît-il, dans la même semaine une vingtaine d’éléments des forces de défense et de sécurité du pays avaient été tués.
De nombreux analystes de la région redoutent que cette contrepartie, largement à l’avantage des groupes armés, n’accroisse leur « force de frappe » et leur ancrage au sein des communautés.
Des images relayées par l’Agence de communication d’Al-Qaïda, Al-Akbar, montrent une dizaine de djihadistes présumés, autour d’un festin avec Iyad Ag Ghaly, le leader de la coalition djihadiste au sahel, près de la frontière algérienne, le lendemain de leur relâche.
Des otages maliens aux mains des groupes djihadistes
Certains espèrent que cette situation puisse changer la donne au Sahel, ouvrant le boulevard à un dialogue avec les groupes y opérant comme le souhaitent de nombreux pays et diplomates sahéliens.
D’aucuns vont jusqu’à faire un parallèle avec le cas de l’Algérie qui, en son temps, a conclu un accord avec ses djihadistes après une décennie de violence. Alger encouragerait les nouvelles autorités à engager un dialogue avec les djihadistes maliens notamment Iyad Ag Ghaly, la figure d’Al-Qaida dans la région.
Par contre Paris serait hostile à cette hypothèse, qui pourrait ramener Iyad dans le jeu politique local.
Des dizaines d’otages restent encore détenus au Mali : des administrateurs civils, militaires, citoyens lambda ou encore des humanitaires locaux, enlevés dans le cadre de leurs fonctions.
D’ailleurs, le 16 octobre, des syndicats des administrateurs civils ont marché à Bamako pour réclamer la libération de leurs collègues et la sécurisation des représentants de l’Etat, dont beaucoup ont déserté leurs postes à cause de l’insécurité.
La Direction de l’information et des relations publiques de l’armée (DIRPA) que nous avons contacté, n’a pas souhaité commenter la question, encore moins nous fournir un chiffre sur le total des otages maliens aux mains des groupes armés. Des informations font état d’une centaine d’otages toujours détenus au Mali.
Mi-octobre, une vingtaine de personnes ont trouvé la mort au centre du Mali, dans trois attaques successives, selon un communiqué de l’armée malienne rapportant au moins 9 ennemis tués et deux véhicules détruits.
Depuis deux semaines, le village de Farabougou (cercle de Niono, région de Ségou), est assiégé par des présumés djihadistes, imposant un blocus en règle aux populations.