Accusé par certaines personnes et des médias mal intentionnés d’être derrière l’enlèvement de Soumaïla Cissé, le président Ibrahim Boubacar Kéita est en train d’être blanchi par le temps. Et avec la libération de l’ex chef de file de l’opposition parlementaire du Mali, il ressort de plus en plus que le président déchu le 18 août 2020 par le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) n’a pas ménagé ses efforts et ses relations pour libérer son jeune frère. Même si ce dernier ne s’est pas montré franchement reconnaissant dans ses premières interviews à la presse.
Est-ce que selon vous le régime précédent en a fait assez pour obtenir votre libération ? C’est la question posée à Soumaïla Cissé par une consœur de RFI dans le «Journal Afrique» du samedi matin (10 octobre 2020).
Et à notre grande surprise, le président de l’URD et éternel opposant à Ibrahim Boubacar Kéita (depuis La Ruche de l’Adema-PASJ de Bamako-Coura) a préféré botté en touche. «Il y a eu cinq mois avant, je ne sais pas ce qui a retardé. Je sais que négocier n’est pas facile. Pour nous libérer tous les deux (avec Sophie Pétrolin, ndlr) près de deux cents personnes ont été libérées, maintenant peut-être qu’il y a eu le choix des gens…. Je ne peux pas dire», a-t-il répondu.
Et de poursuivre, visiblement pas très convaincu de la bonne volonté du régime d’IBK de le libérer, «vous savez, c’est comme au football, on retient celui qui a marqué le but. Et là, c’est la junte actuelle qui a marqué le but. Celui qui donne la passe décisive, on l’oublie très vite. Donc, aujourd’hui, c’est le régime actuel qui a réussi la libération. Maintenant est-ce que la bagarre derrière a été décisive ?».
Certes, les supporters ne voient souvent que le buteur qui délivre. Mais, ce dernier sait aussi qu’il doit être toujours reconnaissant à celui qui le met sur orbite pour scorer. Et généralement, un but est toujours la conclusion d’un travail collectif. Et pour une fois, Soumaïla aurait pu faire fi de ses frustrations politiques pour s’engouffrer dans la brèche déjà ouverte par le président de la transition, M. Bah N’Daw qui, la veille, avait loué «les efforts soutenus du président sortant, Ibrahim Boubacar Kéita, pour obtenir la libération de ses frères et de sa sœur».
Et surtout que les langues se délient une fois la liberté acquise. C’est ainsi que nous avons appris que, dès le 5 avril 2020, le Premier Boubou Cissé a signé un mandat officiel donnant autorisation à Chérif Ould Attaher (un arabe du Tilemsi et ex-membre du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest-MUJAO qui a déjà pris part à plusieurs négociations pour faire libérer des otages ces dernières années) de «conduire toutes les démarches, formalités et de conclure tous les actes nécessaires» à la libération de Soumaïla Cissé. Ce dernier a demandé à être accompagné dans sa mission par le Colonel Mamadou Lamine Konaré, alors conseiller du Premier ministre sur les questions de renseignement.
Et la mission des deux hommes a été validée par Ibrahim Boubacar Kéita dans le plus grand secret. Et ils avaient accompli leur mission en obtenant presque la libération de «Soumy champion» avant que la Direction générale de la sécurité d’Etat et l’Elysée ne s’en mêlent pour les mettre à la touche. En effet, sous la pression française, IBK a été contraint de passer le dossier à Ag Bibi et à la DGSE malienne, à travers son chef du renseignement antiterroriste, Colonel Ibrahima Sanogo.
Aujourd’hui, tout le monde comprend que ce sont ces changements d’interlocuteurs et la jonction avec le cas Pétronin qui ont retardé la libération de Soumaïla Cissé. Ceux qui ont accusé IBK de détenir ce dernier dans un bunker de sa résidence à Sébéninkoro et ceux qui lui ont reproché de ne réellement rien faire pour le retour de son opposant en chef doivent avoir l’humilité de lui présenter leurs excuses aujourd’hui.