C’est le paradoxe libyen, la population s’appauvrit dans le pays le plus riche du continent en réserves de pétrole, avec 48,4 milliards de barils dans ses sols. Depuis le 1er juillet, les manifestations se multiplient.
La révolte gronde dans tout le pays. Le 1er juillet, des manifestants ont attaqué et mis le feu au Parlement de Tobrouk, perçu par la population comme un des principaux responsables de la crise politique et économique du pays. Depuis, plusieurs centres municipaux ont été la cible d’incendies. Des barricades éphémères ont surgit dans les rues de Khoms, Sabha, Zawiyah, al-Bayda, Misrata et Tripoli.
Toujours le 1er juillet, sur la place des Martyrs de la capitale libyenne, des centaines de jeunes hommes ont réclamé des élections « immédiates » et la démission de tous les dirigeants en place, tant ceux qui gouvernent à Tripoli que ceux qui représentent l’opposition formée par le maréchal Haftar à Syrte et Tobrouk.
Reconnaissables à leurs gilets jaunes, ils répondent au nom de « baltris » (« les hommes forts », en dialecte libyen), un groupe formé en 2018, pour protester, déjà, contre l’annulation de l’élection présidentielle le 21 décembre 2021.
« Nous n’allons pas tenir longtemps »
« La Libye est un pays riche mais les responsables politiques se sont tellement servis qu’il ne reste plus rien à la population, accuse Montasser Mohamed. On est obligé de vivre au jour le jour sans jamais pouvoir faire de provisions. Le pire, c’est qu’on est sans électricité la moitié de la journée et qu’il faut attendre des heures aux stations-services qui manquent de pétrole. Nous n’allons pas tenir longtemps comme cela », prévient l’étudiant de 20 ans, rencontré quelques jours plus tôt.
L’inflation du pétrole devait être une aubaine pour la Libye. Le prix du baril bat des records, à près de 110 dollars le baril depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En 2021, quand le prix du baril n’était qu’à 60 dollars, l’entreprise publique responsable des champs pétroliers, la National Oil Company (NOC), a réalisé 21,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires, contre 6 milliards l’année précédente – marquée par la fermeture du Croissant pétrolier sous le contrôle des forces d’Haftar.
Alors que 97 % de sa richesse nationale repose sur l’exportation du pétrole, elle est contrainte d’importer 80 % de sa consommation de carburants
Cette année, les recettes s’annonçaient tout aussi prometteuses. Jusqu’à la mi-avril, la production de pétrole avait atteint son plus haut rythme depuis cinq ans, avec près d’un million de barils par jour. Au début du mois de juin, la banque centrale libyenne s’était réjouie d’avoir accumulé un excédent budgétaire de 4,8 milliards de dollars (23,5 milliards de dinars), en n’ayant dépensé que la moitié des recettes pétrolières du pays récoltées sur les cinq premiers mois de l’année.
Le blocage en cascade des principaux terminaux et champs pétroliers par les soutiens de Khalifa Haftar, pour la plupart à l’arrêt depuis un mois, n’a pas entamé l’optimisme des autorités basées à Tripoli. Le chef du gouvernement d’unité nationale (GUN) reconnu par l’ONU, Abdulhamid Dabaiba, assurait, le 14 juin à Jeune Afrique, qu’il pourrait « tenir » grâce aux réserves « d’environ 50 milliards de dinars (10 milliards de dollars) » accumulées dans les coffres de la banque centrale dirigée par Sadik al-Kebir.
Mauvaise gestion