Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et Jamel Gorchane étaient-ils des amis d’enfance ? Cette hypothèse mettrait clairement à mal l’idée selon laquelle le terroriste de Rambouillet serait un « loup solitaire ». Et c’est précisément ce qu’affirme le journaliste et écrivain Nicolas Beau, ancien de Marianne, du Monde et du Canard Enchaîné, dans un article paru sur son média d’infos de l’Afrique francophone, Mondafrique.
Un prédicateur commun ?
Nicolas Beau déplore un manque de coopération entre les services de renseignements tunisien et français qui, selon lui, aurait permis d’éviter « quelques drames ». Quelques drames comme celui de vendredi dernier à Rambouillet ? Nicolas Beau aurait obtenu des informations qui lui permettent d’avancer qu’avant de s’installer en Île-de-France, Gorchane aurait rendu visite à « son ami d’enfance », Mohamed Lahouaej-Bouhlel à Nice dès son arrivée sur le territoire en 2009.
Ces deux Tunisiens, nés l’un et l’autre en 1985 dans la ville de M’saken en Tunisie auraient-ils grandi ensemble ? Selon Nicolas Beau, ils auraient également été endoctrinés par un seul et même imam, Béchir Ben Hassen, lui-même originaire de la ville de M’saken. L’imam Bechir Ben Hassen est né en 1973. Après des études de théologie à la Mecque, à l’Université américaine internationale de théologie islamique, il s’est formé au centre Islamique de Bruxelles. Ce prédicateur franco-tunisien sympathisant du parti « Annahda » et président de la « Ligue tunisienne des oulémas et de la prédication » a, pour rappel, été interpellé le 28 mai 2013 à son arrivée à l’aéroport Mohammed V, en vertu d’un mandat d’arrêt international émis à son encontre par Interpol le 4 juin 2012, par le tribunal de grande instance de Créteil (France) pour exécution d’une peine faisant suite à son refus de remettre à son ex-épouse française ses quatre enfants, cette dernière étant la titulaire du droit de garde et de l’autorité parentale sur les petits. Une fois extradé en France, il y sera condamné à neuf mois de détention.
L’imam rejoindra la Tunisie de nouveau en 2014 après avoir purgé sa peine, il y retrouvera le min’bar de la mosquée de M’saken dont il avait été banni après l’élection de feu le président laïque Essebsi, et y officiera jusqu’en 2018 avec la bénédiction de ses amis d’Ennahdha et leurs alliés d’ « Al Karama ». L’imam sera condamné de nouveau cette année-là à six mois de prison ferme pour diffamation d’une avocate sur les réseaux sociaux et rejoindra de nouveau la France. Il prêchera à Noisy-Le-Grand, à Vigneux et pourra ouvrir deux associations d’instruction de langue arabe et de jurisprudence islamique pour les enfants et les adultes.
Une piste à explorer pour le parquet antiterroriste
Mais l’imam Bechir se fait connaître par le grand public lorsqu’il appellera dans une vidéo à décapiter quiconque insulte le prophète de l’islam Mahomet. Cette vidéo sera diffusée sur Facebook en 2020, dix jours seulement avant un autre attentat qui a ciblé la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption à Nice. L’auteur de cet attentat était d’ailleurs lui aussi originaire de Tunisie et plus précisément de la ville de Sfax.
L’hypothèse selon laquelle J. Gorchane et M. Lahouiej seraient liés depuis leur enfance en Tunisie où l’imam Ben Bechir est tenu pour responsable de la radicalisation de toute une génération d’hommes de la ville de M’saken (l’auteur de l’attentat du marché de Noël à Berlin, Anis Amri, est né à Kairouan mais aurait également grandi à M’saken !) permettrait de lever le voile sur plusieurs éléments intrigants dans cette affaire de Rambouillet. Hélas, le journaliste Nicolas Beau n’a pas fourni plus d’éléments permettant de valider sa théorie ni de la prendre totalement au sérieux à l’heure où nous écrivons ces lignes. Pour l’instant, et en attendant la fin de l’enquête ouverte par le Parquet national antiterroriste, l’opinion publique devra donc se contenter du profil fourni par le quotidien Le Monde qui a conclu que Jamel Gorchane, le terroriste qui a assassiné une fonctionnaire de police du commissariat de Rambouillet, n’était qu’un « chauffeur livreur sans histoire ».