Les BRICS : Plan Marshall bis ou co-développement à visage humain ?

«Le PIB ne mesure ni notre intelligence, ni notre courage, ni notre sagesse, ni nos connaissances, ni notre compassion. Il mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue». (Robert Kennedy ministre de la justice dans un célèbre discours en 1968)

«Au lieu de donner un poisson à quelqu’un apprends-lui à pêcher». (Proverbe chinois)

Résumé
Dans quelques jours, se tiendra en Afrique du Sud, le 15ème sommet des BRICS qui porte l’espérance d’un monde au point qu’ils font l’objet de toutes les attentions à la fois des candidats potentiels à l’intégration de cet espace vu, il faut bien le dire, comme un sauveur d’où viendrait le développement de leur pays sans sacrifices pour le mériter. L’attention est aussi importante de l’autre côté, celui de ceux qui veulent sa perte, son démantèlement pour que le business soit as usual, pour que rien ne change à cette situation d’un libéralisme prédateur et d’une mondialisation laminoir. Le plan Marshall mis en œuvre par les États-Unis d’aide américaine dont ils se sont aperçus sur le tard que c’était une machine économique qui utilise l’Europe dévastée au sortir de la guerre comme un formidable marché au profit des États-Unis. Ce plan Marshall n’a rien à voir avec l’ambition généreuse des BRICS d’un co-développement dans l’égale dignité des peuples.

Quel est le combat des BRICS pour l’avènement d’un monde plus juste ? Est-ce un «doux commerce» sans interférence dans les affaires intérieures de chaque pays le composant ou est-ce le même logiciel qui a amené le Monde à sa perte ? Il faut espérer que les BRICS ne soient pas tentés de faire appel à des critères économiques aussi coercitifs que ceux de la BM, le FMI, l’OMC. Il s’agira pour l’Algérie de montrer ce qu’elle sait faire d’une façon déterminée même si elle passe par une étape d’observation.

Le proverbe chinois plus haut est le message le plus pertinent ; il explique qu’il faut aider son prochain à être autonome et à créer de la richesse au lieu d’être un éternel assisté qui attend de la part des pays occidentaux, les miettes d’une Aide Publique au Développement (APD) dont les fondements sont, entre autre, l’exploitation sans vergogne des richesses des assistés…

«Le plan Marshall a sauvé l’Amérique», charité bien ordonnée…
Les Occidentaux présentent souvent la route de la soie comme un plan Marshall avec comme sous-entendu ses zones d’ombre : «Ce projet, qui consiste à relier la Chine à l’Europe et à l’Afrique via une ceinture économique terrestre et une route maritime n’est pas sans rappeler le plan Marshal».1

Qu’elle est la réalité du plan Marshall sensée sauver l’Europe après les destructions de la Seconde Guerre mondiale ? Comme l’écrit Nebia Bendjebbour : «À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe, exsangue, est en ruine. Pour aider à sa reconstruction, l’«ami» américain entreprend de venir en aide au Vieux Continent, par le biais d’un plan, qui porte le nom de George Marshall. Le 5 juin 1947, ce dernier proclame lors d’un discours à Harvard que la politique américaine n’est «dirigée contre aucun pays, aucune doctrine, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos»».2

Le président Truman signera, le 3 avril 1948, le programme de reconstruction européenne. Cette aide apparemment philanthropique propose d’aider financièrement les 16 pays signataires à sortir du marasme économique. Mais les Européens vont découvrir qu’elle n’est pas sans contreparties. Si la reconstruction de l’Europe est indispensable à la santé économique de l’Oncle Sam, les Américains estiment aussi que la misère sert le communisme, et qu’il faut le combattre. Côté soviétique, ce plan passe évidemment très mal. «Les États-Unis ont mis en place une entreprise de colonialisme, l’aide est un cadeau empoisonné, dénoncera Staline. Les pays qui l’acceptent perdront leur souveraineté nationale et leur indépendance économique». Le bloc Est/Ouest est né. L’Amérique de Truman fait de l’Europe son marché, puisque tout ce qui y est acheté est américain. Derrière le plan Marshall se cache donc une redoutable machine de propagande pour valoriser «l’American Way of Life et promouvoir le pays».[2]

Rappel sur la doctrine des BRICS : multipolarité, non-ingérence
Phénomène marquant des années 2000 et 2010, l’émergence des BRICS sur la scène internationale devait modifier durablement l’équilibre des puissances. Pourtant, malgré le fait qu’elle représente 25% du PIB mondial, les BRICS seront, d’une certaine façon, le garant d’une multipolarité notamment avec le retour du président brésilien Lula, l’un des concepteurs, il y a douze ans, du concept de BRICS. La doxa occidentale qui, forte du dollar, construit des institutions à sa convenance comme le FMI, la Banque mondiale, l’OMC et même des organismes pour les récalcitrants parmi les pays du Sud. Ce sera la CPI (Cour pénale internationale) ou, pire, l’OTAN, dont on contemple présentement les prouesses.

Il a fallu attendre les premières années du XXIe siècle pour que des pays du tiers-monde décident de s’affranchir du magistère dixit occidental. Dans leur doctrine maintes fois affirmée, les BRICS n’ont pas pour vocation de s’immiscer dans les affaires des pays. Les BRICS ne sont pas une alliance «contre» qui que ce soit. De manière générale, les BRICS plaident pour une refondation des organisations internationales comme le Conseil de sécurité de l’ONU. Il y a certains points communs comme l’équilibre des relations internationales et la multipolarité.

«En termes de parité de pouvoir d’achat, on estime que les économies des BRICS sont collectivement plus grandes que l’économie globale des pays du G7», a déclaré l’ancienne présidente du Brésil, le 13 avril à Shanghai. Pour le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov qui s’est exprimé sur l’effet de l’adhésion de nouveaux membres au groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), lors de la Conférence de Moscou sur la sécurité internationale, «l’élargissement des BRICS sera une des questions clés à l’ordre du jour du sommet de Johannesburg qui aura lieu ce mois-ci. Il ne fait aucun doute qu’il renforcera le groupe et augmentera son poids dans les affaires mondiales». Le ministre a fait état d’une croissance rapide du prestige et de l’attrait du groupe. Les pays aux systèmes politiques différents et aux valeurs originales qui en font partie «offrent un exemple d’une diplomatie multipolaire visant à mettre au point sur un pied d’égalité des formes efficaces de coopération humanitaire, économique, commerciale et en matière d’investissement. Toutes ces formes étant protégées contre le diktat étranger».3

Tout amène à croire que nous sommes loin de la vison du Plan Marshall, à en croire les déclarations des dirigeants des BRICS. Cette nouvelle vision se met en place non pas en confrontation avec l’Occident ce qui peut amener les petits pays à faire des choix douloureux et à en payer le prix. Mais au contraire, elle se veut un facteur de paix.

Les BRICS et la force de frappe scientifique et technologique
La force des BRICS c’est aussi la puissance scientifique et technologique. Plus de 9 millions d’étudiants devraient obtenir leur diplôme en 2021 et plus de 10 millions en 2022. Les secteurs de la science et de la technologie continueront d’attirer des diplômés. Plus de 77% des diplômés universitaires chinois trouvent leur premier emploi avant l’obtention de leur diplôme. La Chine forme 1,3 million d’ingénieurs par an. Des BRICS, la Russie est probablement la plus développée avec un taux d’alphabétisation de près de 99,5%, soit plus que la Chine (95%), le Brésil (90%), l’Afrique du Sud (88%) et l’Inde (77%). L’enseignement russe en chiffres, c’est 4 161 700 étudiants, 741 établissements d’enseignement supérieur, 278 000 étudiants étrangers, 29 universités de recherche nationales, 10 universités fédérales, 236 100 professeurs, 24 800 professeurs titulaires, 88 500 professeurs adjoints, 37 100 docteurs ès sciences, 136 500 candidats des sciences. Le grand potentiel économique de la Russie intervient dans les sphères telles que les nanotechnologies, l’espace, l’énergie, la médecine et d’autres. Le classement 2016 des meilleures universités des pays émergents, établi par le Times Higher Education, consacre les «BRICS» (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), et en premier lieu la Chine. Le top 10 du classement est ainsi composé de cinq universités chinoises, deux sud-africaines, une russe, une brésilienne et, seule exception, une taïwanaise. Parmi ces cinq pays, la Chine tire tout particulièrement son épingle du jeu.4

Les pays des BRICS constituent une force majeure pour le développement scientifique et technologique dans les pays en développement. Selon un rapport sur la compétitivité dans le domaine de l’innovation des BRICS 2017, les investissements annuels dans la recherche et le développement des pays des BRICS ont représenté 17% du total mondial. Les exportations des technologies de pointe de ces pays ont atteint environ 6000 milliards de dollars, soit environ 28% du total mondial, et les publications de documents scientifiques des pays des BRICS se sont élevées à 590 000, selon le rapport. La compétitivité dans le domaine de l’innovation des pays des BRICS devrait augmenter au cours des cinq prochaines années, avec la Chine et la Russie en tête.[4]

La Chine va intensifier ses efforts pour coopérer avec d’autres partenaires du bloc des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) afin de stabiliser les chaînes d’approvisionnement et industrielles mondiales, en mettant l’accent sur l’utilisation de l’internet industriel et de la fabrication intelligente pour autonomiser les secteurs traditionnels, accélérer la transformation numérique, accélérer l’intégration et l’application des technologies émergentes telles que l’internet industriel et la 5G. L’internet industriel offre des opportunités de développement commun aux pays du monde entier afin de parvenir à une reprise économique verte et à un développement durable dans la nouvelle ère.[4]

Et si les BRICS adoptaient d’autres indicateurs d’évaluation ?
Les BRICS ont vocation à s’élargir. C’est pour eux un facteur de puissance face à l’Occident. Très discret sur le choix des critères d’admission, ils laissent la porte ouverte à toutes les hypothèses d’autant plus mises en avant, notamment par des fake news visant à diaboliser cet ensemble. Apparemment les critères d’admission seront classiques et sont adossés à ce qui existe comme indicateurs d’appréciation du niveau d’un pays notamment le PIB.

Il est bon de rappeler l’ancienne architecture du système financier international de l’Occident qui, en 70 ans, a mis en place, pour asseoir son récit de la nation indispensable, des institutions comme la BM, le FMI, l’OMC qui fonctionnent d’une façon néolibérale sans état d’âme en imposant des ajustements structurels et en dictant d’une façon indirecte les notions de bien et de mal, à savoir dans quelle direction il faut aller pour être dans les bons papiers : à savoir obéir aux slogans des droits de l’Homme, de la démocratie des droits de l’homme et des libertés ? Naturellement, pour les pays récalcitrants, il y a des mécanismes comme la Cour pénale internationale et si cela ne suffit pas, l’OTAN intervient pour imposer une démocratie aéroportée.

Quelle est alors la doxa future des BRICS ? Privilégieraient-ils en priorité leur intérêt propre où chacun des grands se crée des opportunités ? Sans être naïfs et en appeler à la charité, pour les petits pays, nous croyons qu’il y a d’autres critères à visage humain pour évaluer la situation économique de chaque candidat potentiel qui frappe à la porte des BRICS. Parce que des critères d’évaluation comme le PIB ne sont pas suffisants à évaluer le potentiel multidimensionnel d’un pays. Peut-on faire appel à d’autres critères complémentaires comme l’IDH ou le GINI qui est un indicateur qui rend compte du niveau d’inégalité ?

Le résultat est prévisible et est logique en l’absence de critère opposable aux candidats potentiels, selon les critères choisis, il semble que c’est la richesse (PIB) qui prévaut au-delà de tout autre critère. Quand on avance que les Émirats disposent d’un PIB de 550 milliards de dollars pour 10 millions d’habitants et que l’Arabie saoudite avec 1100 milliards de $ pour 33 millions, sont des candidats préférables. Sont-ce les seuls critères ? Il est vrai que la dédollarisation aura lieu quand l’Arabie saoudite aura basculé dans les BRICS car les pétrodollars sont l’un des piliers de la force du dollar.

L’économiste Ali Benouari, ancien ministre, décrit l’architecture post accords de Bretton Woods : «[…] le rôle international du dollar, c’est l’accord conclu en 1973 entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, en vertu duquel celle-ci n’accepterait que le dollar dans ses ventes de brut et investirait les bénéfices générés dans des bons du Trésor américain. À partir de cette date, le prix du pétrole était universellement libellé en dollars, renforçant le rôle de cette monnaie comme principale monnaie de paiement et de réserve au monde».5

Pour Thomas Schmid : «On sait depuis longtemps que la croissance économique (PIB) n’est pas synonyme de bien-être pour les citoyens. La mesure du PIB ne prend pas en compte les problèmes sociaux tels que l’inflation latente, la pollution, l’éducation et la santé des personnes, ni même la répartition équitable des opportunités. […] De nombreuses mesures plus innovantes ont été proposées au fil des décennies, telles que l’indice de développement humain (IDH) ou l’indicateur de progrès véritable (IPV). Certains indicateurs tentent également d’inclure la perception du bonheur par les gens, comme l’indice de la planète heureuse ou l’indice du bonheur intérieur brut (BIB). Il s’agit de s’éloigner de la logique de l’argent comme seule mesure du bien-être, logique alimentée par le PIB à laquelle la grande majorité des économistes, des gouvernements ont encore recours aujourd’hui».6

«Sous l’impulsion de penseurs tels que Serge Latouche en France ou Mauro Bonaiuti et Maurizio Pallante en Italie, poursuit Thomas Schmid différents mouvements ont vu le jour depuis la fin du siècle dernier qui contestent ouvertement l’idéologie de la croissance infinie, tels que l’Association pour la décroissance et le mouvement pour la décroissance heureuse. Ils ne veulent pas imposer de force la décroissance économique. En fait, il serait plus juste de parler d’a-croissance : sortir de la logique de la croissance infinie sur une planète aux ressources limitées. […] La décroissance propose un véritable changement de perspective qui peut être réalisé grâce aux huit R : revaloriser, redéfinir, restructurer, relocaliser, redistribuer, réduire, réutiliser, recycler. Quelqu’un l’a dit plus brièvement : moins serait beaucoup plus».[6]

Dans une contribution remarquable, Mustapha Mohammed-Brahim nous rassure : les BRICS actuels ne misent pas beaucoup sur l’apport en termes de PIB. Il écrit : «les spéculations relatives aux critères d’adhésion aux BRICS n’étaient focalisées jusqu’à présent que sur des considérations strictement économiques et en particulier la consistance du PIB, une infographie prospective publiée par l’Agence Sputnik a tenté de simuler l’apport dans le PIB global des BRICS de neuf (09) pays candidats à l’adhésion. Les PIB cumulés en 2023 contribueraient à moins de 18% au PIB global des BRICS élargis. Cela voudrait dire que les BRICS ne misent pas beaucoup sur les nouveaux adhérents pour hisser le PIB global à un niveau qui leur permettrait de mettre en œuvre confortablement leur stratégie, en l’occurrence asseoir un nouvel ordre économique mondial. Ils en espèrent autre chose […] L’objectif poursuivi par les BRICS depuis au moins 2010 est de gagner de plus en plus de parts de marché dans le monde, dans toutes les filières. Cela suppose qu’il va falloir se doter des moyens pour peser sur les prix des matières premières et de l’énergie, travailler sur la sécurité énergétique […] Il s’agira en somme de tout un maillage de processus complètement intégrés. Et c’est un peu tout cela qui est recherché par les BRICS chez les pays candidats à l’adhésion».7

L’auteur ajoute à propos des critères d’adhésion qui intéressent les BRICS : «[…] L’on peut ainsi imaginer, non pas des critères pris isolément, mais une matrice de critères intégrée et dynamique. En d’autres termes, il s’agira pour ceux qui auront à examiner les demandes d’adhésion aux BRICS de se poser la question suivante : quel est l’apport d’un pays X, aujourd’hui ou dans le futur, dans notre stratégie globale ? Il est facile d’imaginer que les critères d’adhésion vont bien au-delà du volume du PIB ou du taux de croissance. La position géostratégique, le poids dans l’énergie mondiale, les ressources minières, la densité des infrastructures, l’influence régionale et bien d’autres […]»[6]

On sait que les pays des BRICS veulent de l’énergie et un accès aux matières premières. L’Algérie veut une sortie de sa monoproduction des hydrocarbures, avec tout ce que cela va lui apporter, en matière de technologie, de financements, etc. L’Algérie qui pourrait profiter des capitaux de cette banque pour financer de grands projets structurants, loin des contraintes des banques occidentales. Un bel exemple qui nous convainc d’une vision humaine des relations, la Banque d’investissement NBD dirigée par Dilma Roussef, ancienne présidente du Brésil, a été créée. Cette banque peut accorder des prêts pour financer des projets d’infrastructures, de santé, d’éducation, etc., dans les pays concernés et, à terme, dans d’autres émergents. Point notable, elle n’assortit pas ses prêts de conditions contraignantes, comme c’est le cas du FMI. C’est donc un premier pas dans la bonne direction. On apprend que «la NBD a émis pour la première fois le 15 août des obligations libellées en rands sud-africains sur le marché du pays. Depuis sa création, la banque a participé à hauteur de 33,2 milliards de dollars à 98 projets dans les transports, l’approvisionnement en eau, l’énergie propre, le numérique, l’infrastructure sociale et la construction urbaine».8

Pourquoi l’engouement pour adhérer aux BRICS ?
Comme lu sur le site APS : «Le groupe des BRICS représente le deuxième bloc économique le plus important dans le monde, après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 20 pays souhaitent rejoindre les pays du BRICS, les raisons pour lesquelles les pays cherchent à rejoindre cette organisation sont principalement dues à la volonté d’obtenir des financements et d’attirer des investissements par le biais de ses deux institutions financières, à savoir le Fonds de réserves d’urgence (CRA) et la Nouvelle banque de développement (NBD), deux organismes financiers qui vont prendre de l’ampleur et même surpasser le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM)».9

On pense à tort que l’adhésion aux BRICS c’est la promesse d’un nirvana sans combat pour y arriver. Rien n’est moins vrai ! Et croire qu’il y a de la morale dans les affaires, c’est être naïf. Peut-être et sans se faire d’illusion, proposer aux dirigeants actuels de sortir des sentiers battus de la doxa occidentale des accords de Bretton Woods qui ont fait tant de mal aux pays vulnérables avec notamment l’épée de Damoclès de l’ajustement structurel qui oblige les pays à tourner le dos à la dimension sociale. Ils seraient bien inspirés de mettre en place un doux commerce à visage humain qui permettra enfin à des pays de s’en sortir avec leur génie propre pour peu qu’on leur mette le pied à l’étrier. S’inspirer des 17 axes du développement et proposés par les Nations unies et qui se résument aux droits élémentaires humains, la nourriture, l’eau, l’éducation et la santé, serait à n’en point douter une rupture majeure des BRICS car dans le développement d’un pays, il y a une dimension Bonheur intérieur Brut (BIB) qui est de loin plus porteuse comme concept adapté que le PIB. Nul doute qu’un monde multipolaire de l’égale dignité de chacun est le plus sûr moyen de ramener la paix dans le monde.

Les atouts de l’Algérie candidate à rejoindre les BRICS
L’histoire des peuples a montré que les plus grands dirigeants d’exception sont ceux qui, mus par une utopie, ont laissé des traces durables. L’Algérie a déposé sa demande d’adhésion. «Une chance de décoller économiquement, scientifiquement et technologiquement». Comment traduire dans les faits cette ambition légitime de sortir du sous-développement ? «La question que d’aucuns se posent aujourd’hui, écrit Mustapha Mohammed-Brahim, est de savoir si l’Algérie a de réelles chances de devenir membre des BRICS. L’Algérie dispose d’énormes atouts à monnayer. Tout d’abord, les BRICS, dont la stratégie de développement s’inscrit sur le moyen et long terme, savent que l’Algérie, de par ses immenses potentialités, reste dans l’absolu «un géant en gestation». Ensuite, sur le plan géostratégique, l’Algérie occupe une position de choix, notamment par rapport aux profondeurs de marchés que visent les BRICS. Située à moins de 200 km des côtes européennes, partageant des frontières avec 7 pays, l’Algérie est un État pivot en Afrique du Nord et pourrait constituer à terme le plus important corridor économique et commercial vers l’Afrique subsaharienne. Si l’on prend en compte le méga-projet en cours du port d’El Hamdania, le projet du hub aérien de Tamanrasset, ainsi que le projet en maturation de la ligne ferroviaire Alger-Tamanrasset, il va sans dire que pour les BRICS, disposer au sein de leur réseau d’un corridor économique et commercial de cette envergure est une affaire qui les intéresserait au plus haut point.

Sur le plan énergétique, en dehors du pétrole ainsi que des gigantesques projets en énergies renouvelables, l’Algérie est dans le top 10 mondial des pays exportateurs de gaz. Le poids de l’Algérie dans le marché mondial du gaz pourrait être décuplé si le projet de gazoduc Nigeria-Algérie voyait le jour. À cela s’ajoute un potentiel immense de ressources humaines jeunes, formées dans les universités, les instituts spécialisés et les écoles de formation, un potentiel apte à être injecté dans l’immédiat dans les secteurs productifs».[7]

Le comportement étrange de nos voisins vis-à-vis de la candidature de l’Algérie
Naturellement, la candidature de l’Algérie suscite, il faut regretter, d’une façon indirecte une animosité de la part de pays frères et voisins aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest. Rappelons la boutade de Talleyrand : «Mon Dieu protégez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge !» En l’occurrence le site tunisien tunisienumerique ne boude pas son plaisir en donnant un titre mesquin mais intentionnel à une note d’un chercheur italien qui décrit les déficits de l’Algérie et des contraintes qui empêchent son adhésion aux BRICS. L’article avec le titre : «Un rapport italien fracasse les rêves de Tebboune». Tout en rappelant que le titre de la contribution est : «Réflexions sur l’échec de l’Algérie à rejoindre les BRICS». La première incorrection est d’impliquer l’Italie dans cette information, ensuite le choix des mots : «rêve, fracasse» ; il y a là l’idée de choc brutal et irréversible. Enfin, l’incivilité est de citer nommément le président d’un pays qui n’a cessé de materner la Tunisie.10

Quant au «chercheur» Marco Baratto, il y a lieu de s’interroger sur son objectivité. Ce chercheur est connu pour ses contributions notamment concernant la nécessité de la partition de l’Algérie et écrivant en fonction de la demande tout ce qui peut démonétiser le pays. Dans le Courrier d’Algérie nous lisons : «Décidément, le Makhzen ne lâche pas l’Algérie d’une semelle. Cette fois-ci, il retrouve matière à propagande dans le sommet des BRICS – l’organisation qu’aspire intégrer l’Algérie. Pour preuve, à quelques encablures du rendez-vous sud-africain, il actionne et lâche ses larbins et autres relais médiatiques pour médire de la candidature de l’Algérie. Pour ce faire, il confie cette mission à un certain Marco Baratto qui alterne, selon le besoin de la sale besogne, entre journalisme et politologie. En la circonstance, il enfile le costume d’analyste politique et publie un pamphlet à charge contre l’Algérie sur le site d’information «mediterranews»».[10]

Conclusion
Il est à souhaiter que l’adhésion aux BRICS n’a aucun rapport avec la philosophie du plan Marshall, pavé lancé par les Occidentaux pour démonétiser les BRICS qui au contraire vont proposer un co-développement à visage humain. Nous devons être à la hauteur. Pour cela, une mobilisation scientifique technologique de toutes les forces vives du pays nous donnera une chance d’intégrer les BRICS dans un délai raisonnable. Nous avons des années de dur labeur pour y arriver.

Pour mettre toutes les chances de notre côté, il sera utile de ne pas se disperser, sans aller jusqu’à créer une entité spécifique : ministère, commissariat, je propose dans un premier temps et en fonction de l’évolution la mise en place d’une force opérationnelle (task force) multidimensionnelle, qui aura à traiter de la mise en place d’un programme d’adhésion sur au moins une mandature, qui aura à expliquer les enjeux en termes simples aux citoyens et aux citoyennes afin de les mobiliser. Il est nécessaire que des experts algériens dans différentes branches aillent s’imprégner dans les institutions des BRICS

L’Algérie gagnerait à développer avec chaque pays des BRICS un partenariat scientifique, économique, et technologique dans une branche différente. C’est le bilan de nos prouesses au bout des années qui nous séparent d’une adhésion méritée qui sera notre meilleur argument. On ne peut pas rentrer dans le développement par effraction. C’est un long chemin escarpé fait de détermination, de mobilisation du peuple dans sa totalité pour réussir les différents challenges : transition énergétique, sécurité économique, hydrique, formation de qualité, lutte contre la corruption. C’est aussi le cap vers le travail bien fait et la nécessité de rendre compte et de respecter un timing au bout duquel nous serons éligibles à faire partie du train qui, sans doute aucun, nous mettra enfin sur les rails du développement. L’adhésion aux BRICS est, à non point douter, un accélérateur de cette ambition.11

Nous ne tendons pas la main car de toute évidence, l’adhésion de l’Algérie est une perspective qui passe par un statut d’observateur. Le tout est de savoir si nous allons observer d’une façon passive ou dynamique. L’Algérie devrait demander quels sont les critères à remplir l’accompagnement pour y arriver mais, dans tous les cas, notre responsabilité est pleine et entière. L’approche de s’arrimer à la locomotive des BRICS est assurément porteuse d’espérances. Cela ne sera pas facile, car il nous faudra penser avec les outils du XXIe siècle.

Les critères d’admissibilité ne seront pas simples à franchir ; c’est un travail sur plusieurs années avec une mobilisation tous azimuts, sciences, économie et même culture et sociologie pour s’imprégner de la façon de concevoir des futurs partenaires de l’Algérie. Ce sera, à l’évidence, un énorme chantier mobilisateur de toutes les énergies vives de la nation. Il est question de la transition énergétique et de sa mise en œuvre notamment en mettant en œuvre le transport avec des voitures électriques, des trains électriques, voire des bus et camions électriques graduellement.

Faire de l’Algérie un immense chantier est un objectif. Il faut redonner foi et convaincre par l’exemple les jeunes, que le rêve d’une Algérie nouvelle propulsée vers le futur est à notre portée et nous devons tous nous mobiliser pour réussir ce pari analogue à celui lancé par Boumediene le 24 février 1971. L’Algérie devint un immense chantier. Cela passe par la formation. Nous devons à marche forcée former au moins 100 000 scientifiques et technologues. Pour y arriver encore une fois, j’en appelle à faire du pôle scientifique de Sidi Abdallah le centre nerveux technologique de l’interface avec les BRICS. Nous pouvons le faire, nous devons le faire. Le saut qualitatif multidimensionnel attendu est au prix de ce gigantesque effort de toute la nation à qui il faudra les enjeux existentiels car pour la première fois, nous pouvons faire ce saut qualitatif. Amen.