Mohamed Akotey, négociateur-clé de la libération des otages d’Arlit, était encore “à la manoeuvre” pour obtenir celle de Serge Lazarevic, d’après de nombreux médias. Ex-chef rebelle, ex-ministre, ce Touareg nigérien francophile dispose au Sahel de solides réseaux qui lui permettent de jouer ce rôle.
Niamey, mardi soir. Serge Lazarevic, libre, “remercie le président” nigérien Mahamadou Issoufou. L’ex-otage d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) remercie aussi “le peuple du Niger qui a collaboré avec la France pour [le] faire libérer” après trois ans de captivité dans le Sahel. Il a aussi un mot pour “l’équipe du président”: “le général, Mohamed…” A ses côtés, “Mohamed” est l’homme en turban kaki. Il s’agit de Mohamed Akotey, un touareg influent présenté comme le négociateur-clé ayant permis cette issue heureuse.
Ce Nigérien âgé de 46 ans, considéré comme un notable touareg, est devenu un acteur incontournable pour ce type de dossiers sensibles: de nombreux médias et journalistes rappellent qu’il avait déjà oeuvré à la libération des quatre derniers otages français détenus à Arlit, au Niger, en octobre 2013. Ancien chef rebelle issu de la communauté touarègue des Ifoghas, Mohamed Akotey peut compter sur “de bons réseaux et des cousins des deux côtés de la frontière entre le Mali et le Niger”, résumait RFI à l’époque.
Il a eu “plusieurs vies”
De ce “héros discret”, “les Nigériens disent qu’il a eu plusieurs vies”, raconte Jeune Afrique. Né dans la région d’Agadez, il a étudié la géographie à Niamey puis l’archéologie en France. Mais un événement oblige ce francophile à rentrer au Niger, à la fin de l’année 1995: “son oncle Mano Dayak, cofondateur avec Thierry Sabine du rallye Paris-Dakar et figure emblématique de la rébellion touarègue décède dans un tragique accident d’avion. (…) Il faut vite trouver un nouveau chef. (…) Mohamed Akotey a le profil de l’emploi”, résume l’hebdomadaire.
“Ce n’est pas un va-t-en-guerre. C’est un intellectuel. Un homme qui ne parle pas beaucoup, mais en qui on peut avoir confiance. Il est calme, réservé et correct”, aux yeux d’un autre médiateur sahélien cité par Jeune Afrique. Il prend la tête de la Coordination de la résistance armée (CRA) et participe aux négociations de paix. Une fois un accord trouvé, les rebelles touaregs obtiennent des postes. Mais Mohamed Akotey reste dans l’ombre. Jusqu’en 2007 où il devient finalement ministre de l’Environnement et de la Lutte contre la désertification.
Il quitte le gouvernement un an plus tard pour devenir “président du conseil d’administration d’Imouraren SA, une société nigérienne détenue à 58% par le groupe nucléaire Areva”, raconte encore Jeune Afrique. L’occasion de réactiver ses réseaux parisiens, en réalité déjà fournis. Il apparaît donc comme l’intermédiaire idéal fin 2010, quand des employés français d’Areva sont pris en otages dans le nord du Niger, où ils restent captifs pendant trois ans.
“Les discussions ont eu lieu entre Touaregs”
Cette fois encore, comme fin 2013, “depuis deux semaines, Mohamed Akotey était à la manoeuvre”, assure RFI qui détaille ses déplacements notamment dans la région de Kidal où était détenu Serge Lazarevic, dans le nord du Mali. L’intermédiaire discret y aurait rencontré des membres de la communauté touarègue de l’Adrar des Ifoghas et des responsables du Haut Conseil de l’unité de l’Azawad (HCUA) sans jamais avoir “de contact direct avec les ravisseurs”, ajoute la radio. D’après Jeune Afrique, il faisait partie d’un “petit groupe” dépêché dans le désert au nord de Kidal pour récupérer Serge Lazarevic, ce mardi, et le ramener à Niamey d’où il a embarqué pour Paris.
Le HCUA revendique d’ailleurs un rôle dans la libération de Serge Lazarevic. “Oui, le HCUA a participé à la libération de Serge Lazarevic et nous en sommes fiers. Notre frère Mohamed Akotey et les gouvernements malien et nigérien ont demandé notre aide et nous avons accepté”, a déclaré Alghabass Ag Intalla, secrétaire général de cette organisation. L’insistance de ce mouvement armé du nord du Mali s’inscrit dans les pourparlers de paix en cours avec Bamako, alors que le HCUA comprend d’anciens jihadistes du groupe Ansar Dine, dirigé par le chef touareg Iyad Ag Ghali.
Une proximité que le HCUA souhaite “édulcorer”, commente Le Figaro. Les ravisseurs étaient d’ailleurs eux-mêmes membres de la communauté des Touaregs, d’après le quotidien. “Serge Lazarevic était aux mains d’Abdelkrim el-Targui, l’un des très rares responsables d’Aqmi à être touareg”, précise le quotidien, citant une source malienne selon laquelle “les discussions ont eu lieu entre Touaregs”. Des circonstances qui font de Mohamed Akotey, comme pour Arlit fin 2013, un intermédiaire indispensable. Mais plus si discret.