L’aggravation de la situation sécuritaire est connue de tous et inquiète tout le monde. Sauf le Commissariat aux Réfugiés, écrit l’avocate Selma Benkhelifa.
Toute la presse parle de l’offensive des Talibans, ils avancent et les villes afghanes tombent une par une entre leurs mains. Ils sont aux portes de Kaboul.
Prétendre que Kaboul est sûre et que les afghans des autres régions n’ont qu’à s’y réfugier est complètement fou. A Kaboul, les attaques terroristes sont incessantes. On se rappellera – au mois de mai – l’horreur de l’attentat dans une école de filles où plus de 80 petites écolières ont été tuées.
Les mémoires sont parfois très courtes et les crimes des Talibans semblent oubliés. Oublié le temps où ils organisaient des exécutions publiques, décapitations et lapidations dans des stades de foot. Le football avait été interdit et les stades recyclés en lieux de spectacles macabres. Oublié l’époque où les femmes afghanes n’avaient plus aucun accès à la sphère publique, plus aucun droit, plus aucune visibilité. Oublié les destructions des instruments de musique et les autodafés de livres.
Les Talibans sont des criminels et ils sont dangereux. Le fait que les Américains aient pris la décision de négocier avec eux au Qatar ne change rien à ce constat.
Les Afghans le savent et ceux et celles qui sont ici vivent dans l’inquiétude.
La question d’arrêter toutes les expulsions vers l’Afghanistan est en train d’être examinée par le secrétaire d’Etat Sammy Mahdi et le gouvernement Vivaldi.
Le gouvernement afghan – acculé – demande de cesser tous les renvois.
Et pendant ce temps, le Commissariat aux Réfugiés, aveugle et sourd, continue son train-train quotidien de refus selon les quotas habituels. En juillet, 1048 demandeurs d’asile afghans ont reçu une décision négative, en juin 905 exilés se voyaient refuser l’asile et la protection subsidiaire.
Pour rappel la protection subsidiaire, c’est la protection accordée pour les civils dont la vie ou la personne est gravement menacée en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. C’est ce que dit la loi.
Et c’est précisément le cas de l’Afghanistan. Ce pays est bel et bien en conflit armé. La violence à l’égard des civils y est aveugle, y compris à Kaboul.
L’aggravation de la situation sécuritaire est connue de tous et inquiète tout le monde. Sauf le Commissariat aux Réfugiés qui continue de prétendre qu’une expulsion vers l’Afghanistan ne risque pas d’entrainer d’atteintes graves pour les afghans qui viennent en Belgique demander une protection.
Ces décisions négatives sont insensées. Comment est-il possible de refuser l’asile à des femmes afghanes quand on sait quelles sont les atrocités que les Talibans leur ont fait subir ? Comment refuser de protéger des enfants alors que le recrutement d’enfants soldats fait partie de la stratégie des Talibans ? Comment renvoyer à leur sort les membres des minorités ethniques et religieuses, comme les Hazaras, alors que leurs écoles, leurs quartiers, leurs marchés sont régulièrement pris pour cibles ?
La situation actuelle en Afghanistan est telle que les Afghan.e.s doivent tous et toutes recevoir une protection. La protection subsidiaire est annuelle. Une ré-évaluation est possible l’année prochaine.
Les Afghans qui reçoivent la protection travaillent et vivent normalement, alors que poussés dans la clandestinité, ils sont coincés. Tous ces réfugiés déboutés ne rentreront pas chez eux. Le gouvernement ne parviendra pas à les expulser. Ils et elles n’auront-ils d’autre solution que d’occuper une église et faire une grève de la faim?
Une politique d’asile déconnectée de la réalité et extrémiste ne peut entrainer que des réactions désespérées.