France-Maroc : l’imam Iquioussen porte plainte contre Gérald Darmanin

Le prédicateur originaire des Hauts-de-France, actuellement détenu en Belgique et dont la France réclame l’extradition, a déposé plainte pour diffamation à l’encontre du ministre français de l’Intérieur pour des propos tenus le 2 septembre.

Après bientôt deux mois passés presque exclusivement à subir, tant sur les plans médiatique que judiciaire, Hassan Iquioussen contre-attaque. La défense du prédicateur marocain a annoncé, le 21 octobre, qu’elle porte plainte contre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, pour diffamation publique. En cause, des propos du ministre, également ancien maire de Tourcoing, datant du 2 septembre, qui avait alors déclaré qu’Hassan Iquioussen était »un délinquant, un fuyard et un séparatiste ».

Cavale belge

À l’époque, l’imam Iquioussen avait quitté le territoire français alors que la police française s’apprêtait à l’interpeler. Une juge d’instruction de Valenciennes avait aussitôt lancé un mandat d’arrêt européen à son encontre pour « soustraction à une mesure d’éloignement ». C’est finalement en Belgique que l’imam a été arrêté, le 30 septembre, avant d’être placé en détention par les autorités locales.

La requête d’extradition aussitôt présentée par la France avait fait bondir les soutiens du prédicateur, qui dénoncent un acharnement doublé d’un paradoxe. « On vient reprocher à quelqu’un d’être parti alors qu’on lui a demandé de partir », a notamment déclaré son avocate, Lucie Simon. « Il faudrait aller le chercher, le faire revenir sur le territoire […] pour le mettre dans un centre de rétention administrative en France, alors qu’on n’est même pas certain de pouvoir l’expulser ? », a-t-elle ajouté, en référence à la suspension par Rabat du laissez-passer consulaire nécessaire à son expulsion vers le Maroc.

Premier succès pour la défense

Trois semaines plus tard, le 21 octobre, la justice belge refusait l’exécution du mandat, donnant raison à l’intéressé et à ses avocats, qui contestaient les motifs invoqués par la France. Un premier succès pour la défense, qui publiait le 3 octobre un communiqué expliquant que son client avait « confiance en la justice belge pour ne pas céder aux pressions d’un exécutif français avide d’un trophée médiatique pour servir un agenda législatif funeste ».

C’est donc certainement forte de ce premier camouflet pour le ministre de l’Intérieur que la défense a décidé de contre-attaquer, annonçant, dans la foulée de la décision rendue par la chambre du conseil de Tournai, qu’elle portait à son tour plainte devant la justice française contre Gérald Darmanin.

De quoi relancer une nouvelle fois la polémique qui agite la France depuis l’été. Tout a débuté le 28 juillet, lorsque le ministre de l’Intérieur a entamé une procédure d’expulsion visant le prédicateur Hassan Iquioussen, un imam marocain âgé de 58 ans et originaire des Hauts-de-France, accusé de tenir depuis des années « un discours haineux à l’encontre des valeurs de la France, contraire à nos principes de laïcité et d’égalité entre les femmes et les hommes ».

Le prêcheur était mis en cause en raison de propos à caractères antisémite, sexiste et homophobe, prononcés au cours de conférences et dans des vidéos postées sur sa chaîne YouTube ces dernières années.

D’abord suspendue par le tribunal administratif de Paris le 5 août, l’expulsion de Hassan Iquioussen avait ensuite été validée par le Conseil d’État le 30 août au motif que « ses propos antisémites, tenus depuis plusieurs années lors de nombreuses conférences largement diffusées, ainsi que son discours sur l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine justifiant la décision d’expulsion ». La plus haute juridiction administrative française a à l’inverse retoqué plusieurs autres motifs avancés par le ministre pour faire expulser l’imam.

Cependant, lorsque les forces de l’ordre se sont présentées le soir même à son domicile pour l’interpeller, l’intéressé était introuvable. Anticipant la décision du Conseil d’État, Hassan Iquioussen avait en réalité déjà fuit vers la Belgique, dont la frontière se trouve à une trentaine de kilomètres de Lourches, la ville où il réside.

Iquioussen sort du silence

Alors qu’il ne s’était jusqu’ici pas exprimé sur l’affaire, Hassan Iquioussen est sorti du silence dans une vidéo publiée sur sa page Facebook le jour de son arrestation en Belgique. « Malgré la tentative de notre ministre de l’Intérieur de me faire passer pour un ennemi de la République, je suis vivant », a-t-il déclaré, justifiant au passage son initiative de quitter le territoire par sa volonté de ne pas être expulsé menotté devant un parterre de caméras, préférant partir de lui-même, »la tête haute ».

Le 25 août, Mediapart révélait par ailleurs que l’imam et Gérald Darmanin avaient dîné ensemble lorsque ce dernier, qui briguait la mairie de Tourcoing aux élections municipales de 2014, cherchait à séduire la forte communauté musulmane présente dans la ville située en banlieue lilloise. Une information venue ajouter un peu plus de confusion à une affaire qui n’en manquait déjà pas.

En attendant la décision de la chambre des mises en accusation belge de Mons, qui devrait intervenir dans deux semaines, Hassan Iquioussen est actuellement incarcéré à la prison de Tournai.