Comment les élites sont devenues de plus en plus bêtes

L’Occident a maintenant un grave problème avec ses élites.

Le bon sens permettait déjà de s’en douter, les observations s’accumulant dans le sens d’une déconnexion de plus en plus importante et aux conséquences de plus en plus graves des élites du reste du peuple. Une étude récemment menée par Scott Rasmussen (fondateur de l’institut Rasmussen Reports) permet d’apporter des éléments factuels à ces intuitions.

En substance, l’enquête a porté sur les «super-élites», c’est-à-dire les individus définis comme étant diplômés des institutions prestigieuses (aux États-Unis, ce sont en gros les universités de la Ivy League comme Yale, Harvard, Columbia, Princeton,…), gagnant un revenu annuel supérieur à 150 000 dollars et habitant les villes denses comme New York, Los Angeles qui comptent plus de 10 000 personnes par code postal.

De façon assez logique, on retrouve les caractéristiques suivantes pour ces super-élites : il s’agit de blancs (à 86%) qui sont très majoritairement (67%) dans la tranche d’âge la plus professionnellement active (35-55 ans) et qui sont largement pro démocrates (i.e. socialistes américains) à 73% et pour 47% d’entre eux, tenants des politiques de Bernie Sanders (le plus à gauche de ces socialistes américains).

Il en découle que là où 57% des Américains pensent que les libertés se sont largement érodées ces dernières années, cette super-élite pense, à 47%, que le gouvernement en accorde encore trop. De façon encore plus surprenante, 70% de ces élites pensent même que le gouvernement fait ce qu’il faut la plupart du temps et lui accordent donc leur confiance. D’ailleurs, 69% ont confiance dans les membres du Congrès, contre 6% des Américains en moyenne…

Autrement dit, cette super-élite (qui représente bien moins d’un pourcent des Américains) est de plus en plus diamétralement opposée aux opinions et aspirations des 99% d’autres Américains : par exemple et outre les orientations politiques, les premiers sont particulièrement anxieux à l’évocation du climat quand le reste de la plèbe est nettement moins préoccupée par le sujet.

Notons au passage que ce qui est vrai aux États-Unis peut être retrouvé de façon très proche voire exacerbée dans les sociétés occidentales européennes, notamment en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne, dont les élites copient assez visiblement ce qui se passe outre-Atlantique.

Tout ceci atteint un tel point que les super-élites ont maintenant une nette tendance à se radicaliser sur cette question du climat et quelques autres, devenues des colifichets de ces élites, d’autant plus qu’au contraire de la plèbe, ils accordent beaucoup de leur confiance dans les institutions. Ceci n’améliore en rien ni l’opinion qu’ils ont des classes inférieures (les 99% de non-élites) ni leur capacité à regarder la réalité en face, leurs fréquentations étant quasiment endogames.

S’y ajoute l’effet «maison communale» ou «Longhouse effect», observation du fait que les deux dernières générations ont donné aux normes sociales un poids disproportionné aux préoccupations féminines, aux méthodes féminines de contrôle de la société, de direction et de modélisation du comportement.

(Ainsi, en 2022, les femmes occupaient 52% des postes de cadres aux États-Unis et obtiennent plus de 57% des licences, 61% des maîtrises et 54% des doctorats. On retrouve le même phénomène, à différents degrés, dans tous les pays occidentaux, qui s’accompagne de la perte de prestige des professions concernées. La féminisation galopante de la magistrature en France en est une excellente illustration.)

Concrètement, on se retrouve avec des élites qui se cooptent entre elles, en cercle fermé, et dont les comportements se calent progressivement et de façon disproportionnée sur les impératifs féminins.

Or, tout ceci entraîne plusieurs problèmes.

D’une part, le conformisme appelle le conformisme : comme l’ont montré Worchel et Cooper dans une étude parue en 1976, les femmes ont tendance à se conformer plus facilement que les hommes aux normes sociales. Du reste, l’étude de Mori et Arai (2010) montre même que la conformité par pression sociale marche particulièrement bien auprès des femmes (et pas des hommes). Or, lorsqu’elles dirigent, elles choisissent en moyenne les individus les plus conformistes et donc plutôt des femmes. D’où la féminisation de certaines professions qui s’accélère.

D’autre part, ceci revient à «écraser» la sélection des personnes vers la moyenne globale de l’intelligence, et pas vers l’excellence. En effet, les personnes les plus conformistes choisissant aussi les personnes conformistes, elles vont assez naturellement fort peu s’écarter de leur propre niveau intellectuel, amenant à éliminer progressivement (notamment des postes de direction) les personnes les plus atypiques (dont les plus intelligentes) ce qui entraîne un abaissement global de l’intelligence des directions des organisations dans lesquelles elles auraient dû se trouver.

Or, la population capable de diriger des projets, des groupes d’individus et des organisations en général est une population par définition peu nombreuse, qui représente en gros 5% de la population globale (seuil correspondant à un quotient intellectuel de 125 ou plus).

Quelle que soit la population considérée et indépendamment de l’intelligence des individus qui la composent, il existe en outre une quantité relativement stable de personnes capables de prendre des décisions indépendamment de la pression sociale. Cette proportion évolue autour de 15 à 20% et a été amplement démontrée lors de l’épisode pandémique.

De façon logique, il apparaît donc raisonnable de dire qu’il existe environ 1% de la population qui soit suffisamment apte à diriger des groupes et à faire preuve d’assez d’anticonformisme pour ne pas céder à la pression sociale, et donc de prendre des décisions éventuellement politiquement incorrectes mais qui s’avèrent malgré tout correctes, pérennes ou porteuses de plus de fruits que des décisions consensuelles mais sous-optimales (voire délétères).

Malheureusement, en Occident, tout a été fait et continue d’être fait pour que justement, cette fine tranche de population (qui représente un petit pourcent) n’ait plus accès aux postes de pouvoir ou de décisions dans la société en général ou les entreprises. Elle est essentiellement mise à l’écart par les conformistes et ceux qui valident, suivent et implémentent scrupuleusement les décisions conformistes des groupes du moment, et qui se cooptent tous entre eux.

Ceci se traduit par la disparition de la méritocratie, remplacée par les réseaux, les groupes de copains-coquins, les accointances, la «promotion canapé» ou la diplomocratie transformée en une diplomosclérose particulièrement visible en France actuellement.

La guerre ouverte actuellement menée contre la liberté d’expression – dont l’effet le plus palpable est, précisément, de pouvoir tenir des discours non conformes – est la traduction concrète de la disparition de cette population spécifique et de son remplacement par un autre pourcent, celui des élites décrites précédemment (qui sont, elles, militairement conformes). Il en va de même avec les lois d’exception destinées à entraver la réussite des indépendants d’esprit, les empêchant de se démarquer ou de s’élever.

Parallèlement, on ne peut que noter la multiplication des récompenses pour les individus les plus conformes, les «idéologiquement purs», quand bien même leur médiocrité est impossible à masquer : l’adoubement médiatique et politique des fact-checkers, les doctorats en études de genre et autres clowneries, les Chief Happiness et autre «ESG/DEI manager» dans les entreprises sont autant de ces hochets institutionnels qu’on distribue à des gens qui, dans une société moins conforme, seraient coursiers ou en cuisine dans un fast-food.

On pourrait soupirer et espérer simplement que cette tendance se calme un peu mais malheureusement, l’avènement des médiocres et de la conformité se traduit très concrètement par la ruine du modèle occidental, et surtout la mort plus ou moins directe de millions d’individus : l’arrivée de semi-habiles au pouvoir, ce sont des empilements de décisions imbéciles qui conduisent des personnes tout à fait compétentes à être écartées pour y placer de parfaits inutiles voire nuisibles (mais conformes).

Ce qui se passe avec Boeing (et ses avions qui perdent des pièces en vol), ce qu’on observe sur les plateaux télé et leurs experts de Prisunic, les idées consternantes qui remplissent toute la culture occidentale actuelle depuis ses films jusqu’à sa musique en passant par la politique ou son industrie, sont autant d’exemples qui attestent de ce «grand remplacement» des gens capables mais honteusement non conformes et politiquement incorrects, par des conformes affûtés comme du beurre chaud.

L’ensemble des systèmes (politiques, juridiques, économiques, industriels, sociaux) de l’Occident étant de plus en plus complexes, à mesure que les compétents sont écartés, ne restent plus que les conformistes pas trop malins pour tenter de les maintenir, bientôt remplacés par les conformes rigides de plus en plus bêtes… ce qui ne fonctionne pas.

La dégradation de toutes les institutions, de toutes les infrastructures et du tissu même de la société en témoigne : s’il ne se ressaisit pas vivement, l’Occident est foutu.