Dans une mise en scène gargantuesque, Iyad Ag Ghaly a donné une grande réception pour les jihadistes récemment libérés par les autorités maliennes. Faisant grincer des dents…
Sur des photos devenues virales au Mali et ailleurs, Iyad Ag Ghaly, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) fait bombance en son château de dunes, orchestrant un festin qui dévoile à ceux qui ne le savaient pas qu’on peut proscrire l’alcool et savoir faire la fête. Faisant fi des gestes barrières, les invités du « pater familias » – enturbannés mais pas masqués – sont identifiés comme les enfants prodigues de retour de prison…
Si la guerre que mènent les tenants de la République au Sahel est qualifiée d’asymétrique, c’est que les règles suivies par les différents belligérants ne sont pas les mêmes : laïcité, droits de l’homme et restitution publique pour les uns ; terrorisme, enlèvements et trafics pour les autres.
Fanfaronnade jihadiste
Avec l’opération virale du banquet, c’est la fanfaronnade jihadiste qui détonne avec l’extrême discrétion des autorités maliennes sur les libérations. Car si l’on devait considérer le récent retour au bercail d’otages comme le fruit d’un échange, il y aurait, là aussi, asymétrie. Selon les estimations, plus de 200 terroristes auraient été relâchés pour que reviennent à Bamako Soumaïla Cissé, Sophie Pétronin, Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli. « Un otage contre plus de 50 terroristes ?! », s’étonne un quotidien burkinabè.
Certes, l’opinion sahélienne ne veut pas en vouloir à Sophie Pétronin, Malienne d’adoption qui ne condamne pas l’islam dévoyé par les jihadistes, au point qu’elle affirme s’être convertie à la religion musulmane. Et tout n’est pas qu’arithmétique.
Terroristes de premier plan
Toutefois, le passage de l’analyse quantitative au décryptage qualitatif ne rassure pas. Les physionomistes qui ont scruté les photos du banquet de Iyad Ag Ghaly ne valident guère l’argument consolatoire selon lequel les jihadistes libérés ne sont que des seconds couteaux. Des journalistes maliens évoquent notamment la présence à table de Taher Abu Saad, expert en explosifs, de Aliou Mahamane Touré, l’ancien chef de la police islamique du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) ou de Mahmoud Barry, le commandant de la katiba Macina. Des personnalités citées, pour certaines, dans les tragédies malienne et burkinabè du Radisson Blu et du café Cappuccino.
Au delà de l’impunité choquante et du coût exorbitant de l’opération – le versement d’une rançon est également évoqué –, les observateurs avisés ou amateurs dénoncent le message envoyé aux preneurs d’otages. D’ailleurs, tout festin méritant discours, l’hôte du jour n’a pas manqué d’encourager ses troupes à multiplier les enlèvements qui « rapporteraient » plus que les attentats…