Penser sans maître : contre la logique du soupçon permanent

I – L’instinct et la liberté
Je m’adresse à toi, Justin, à toi, Mamadou : nous partageons avec les bêtes les besoins premiers – manger, boire – et pourtant il existe entre nous une différence tragique et politique. Certaines créatures de la basse-cour – coqs, poules, porcs – ont appris la soumission ; on leur jette la pitance aux pieds et ils l’acceptent comme une évidence. D’autres, comme le lion, restent irréductiblement libres : aucun collier à leur cou, aucune humiliation consentie. Quand on refuse la servilité, même la faim prend une autre couleur. C’est cette fracture – entre ceux qui mangent agenouillés et ceux qui vivent debout – qu’il nous faut nommer si nous voulons penser la liberté autrement que comme un état importé.