Dans sa petite épicerie de la Zone 25, Jean Minani et sa femme déballent les cartons où ce couple de Burundais avait empaqueté ses affaires. L’ordre du gouvernement du Malawi de retourner dans un camp de réfugiés a été suspendu … pour le moment.
Tous les demandeurs d’asile qui avaient échappé au camp de Dzaleka, à une cinquantaine de km de Lilongwe, la capitale, pour se faire une situation, se sont vu imposer par les autorités d’y retourner en avril. Une décision incompréhensible pour beaucoup, qui se retrouvent forcés de renoncer à leurs acquis.
“J’avais mis tout mon magasin dans des cartons, pour préparer le déménagement vers le camp”, explique Jean Minani, dans un chewa parfait, la langue officielle. Il vit au Malawi depuis treize ans.
Le ministre de la Sécurité intérieure a ordonné en avril à environ 2.000 réfugiés vivant en dehors de Dzaleka de retourner dans le camp, affirmant que vivre parmi les citoyens malawites représentait un danger pour la sécurité nationale.
“Nous ne les chassons pas, nous voulons simplement qu’ils soient là où ils doivent être”, a ajouté Richard Chimwendo, imposant la date butoir du 28 avril, suspendue depuis.
“Ceux qui ont des entreprises et veulent porter leur dossier à notre attention, nous pourrons traiter cela au cas par cas, mais ils devront opérer depuis Dzaleka. Qu’ils aillent d’abord au camp”, a-t-il concédé, démentant toute discrimination à leur égard.
La Haute Cour leur a offert un répit, ordonnant l’arrêt de la relocalisation en attendant de pouvoir examiner l’affaire.
Interrogé par l’AFP, le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) dit conseiller “fortement au gouvernement” de renoncer à ce projet, arguant que le retour dans le camp de ces réfugiés aggraverait “l’encombrement des écoles, la recherche d’eau et les questions de santé”.
- “Nous épargner” –
Le camp, initialement conçu pour héberger 10.000 réfugiés, en comptait déjà plus de 49.000 fin mars, avec environ 500 nouvelles arrivées par mois, selon le HCR.
La grande majorité sont congolais (62%), mais aussi burundais (23%) et rwandais (14%).
Comme pour de nombreux réfugiés intégrés, un retour à Dzaleka semble inimaginable pour le couple Minani: “A cause de la promiscuité notamment, en temps de pandémie”, dit l’épicier. “Nos deux enfants passent bientôt des examens et la nourriture n’est jamais suffisante. Ils nous donnent” l’équivalent de quatre euros par mois, “nous ne pouvons pas survivre avec cela”.
Mais si le tribunal confirme la décision gouvernementale, il faudra y retourner. “Je crois qu’on n’aura pas le choix”, dit-il, exprimant la crainte que si les réfugiés s’y retrouvent entassés, “on mourra là-bas”.
“On demande au gouvernement de nous épargner, de nous laisser vivre librement comme d’autres réfugiés dans d’autres pays”.
Kanamula John, qui représente les Rwandais dans le camp, redoute aussi un engorgement. “Nous plaidons auprès du gouvernement pour qu’il revoie sa position. Certains d’entre nous ont épousé des femmes malawites et des hommes malawites ont épousé des réfugiées. Nous ne savons pas ce qui arrivera à nos enfants”.
Le Burundais Ntizo Muheba, au Malawi depuis 2005, est retourné vivre dans le camp mais dort en plein air. Il n’a pas de toit. Il louait une maison à Lilongwe, mais son propriétaire l’a mis à la porte dans la foulée de l’annonce gouvernementale. “J’ai quatre enfants, c’est dur de vivre comme ça”, dit-il.
Le Congolais John Muhirwa espère aussi que le gouvernement “nous laissera vivre en dehors du camp. Nous vivions paisiblement avec les locaux”, plaide-t-il.
Des ONG appellent le gouvernement à respecter les réfugiés et s’assurer que leurs investissements soient protégés. “Il ne faudrait pas que des gens en profitent pour s’emparer de leurs biens ou les saccager”, dit Gift Trapence, président de la Human Rights Defenders Coalition.
Le Malawi a signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, formulant neuf réserves, dont l’une concernant le campement des réfugiés, souligne le HCR.