Au cœur des réseaux «anti-impérialistes» français: qui couvre le Hamas?

Toute une partie de l’extrême gauche française ne veut pas voir du terrorisme dans les actions du Hamas, mais un groupe armé résistant à une occupation.

Les langues se délient. Interrogée par Jean-Jacques Bourdin sur l’antenne de Sud Radio, la députée France Insoumise Danièle Obono a dévoilé le fond de sa pensée. Elle a ainsi refusé de déclarer que le Hamas était un groupe terroriste, préférant le définir comme un « groupe politique islamiste » qui « résiste à une occupation » et qui œuvre à la « libération de la Palestine ».

Au-delà des réactions attendues des adversaires politiques de la France Insoumise, les propos de Madame Obono n’ont pas manqué de faire réagir dans les rangs même de son groupe parlementaire, la Nupes. Au bord de l’implosion, ce groupe de travail issu d’un consensus entre les principaux partis de gauche n’en finit plus de se déchirer, comme l’a encore démontré Benjamin Saint-Huile, député quant à lui appartenant au groupe LIOT : « Je crois que La France insoumise a décidé de faire du conflit israélo-palestinien le moment de la fragmentation dans la population. Je crois que ce n’est pas très responsable. […] Le Hamas est une organisation terroriste, nous le savons ».

.@Deputee_Obono : "Oui, le Hamas est un mouvement de résistance. C’est un groupe politique islamiste qui a une branche armée, et qui résiste à l'Israël"https://t.co/QKa5Efuc2W pic.twitter.com/iMVJOem2xE
— Sud Radio (@SudRadio) October 17, 2023

La gauche française dépassée

Cette fragmentation était observable dans la manifestation de soutien au peuple palestinien qui s’est tenue jeudi 19 octobre à Paris. On a pu notamment entendre une foule scander le takbir, ce qui a fait dire à un internaute nommé Fouad Raoui : « Mes parents musulmans quand ils prient murmurent « Allah Akhbar » chez eux car c’est dans leur cœur et un lien entre eux et Dieu. Jamais il ne leur viendrait à l’esprit de le scander dans l’espace public, a fortiori le jour des obsèques d’un professeur assassiné par un djihadiste ». C’est là toute la différence entre la foi du cœur et la foi politique d’une extrême-gauche devenue l’idiote utile d’un projet politique qui la dépasse, le Hamas étant d’ailleurs l’oppresseur du peuple palestinien.

Le sujet a été peu évoqué ces derniers jours, même après l’attaque terroriste du 7 octobre, mais le Hamas, au-delà de précipiter son propre peuple vers la guerre, n’hésite pas à brutalement le réprimer. En 2014, Amnesty International avait publié un rapport intitulé « Enlèvements, tortures et exécutions sommaires de Palestiniens par le Hamas durant le conflit israélo-gazaoui de 2014 », dans lequel était détaillée une série de violations, incluant notamment les exécutions extrajudiciaires de 23 Palestiniens. Certains d’entre eux étaient des membres du parti rival Fatah, le Hamas ayant profité du chaos pour éliminer des rivaux : « Dans le chaos du conflit, le gouvernement de facto du Hamas a donné carte blanche à ses forces de sécurité pour commettre de terribles abus, notamment contre des détenus se trouvant sous sa responsabilité. Ces agissements, dont certains constituent des crimes de guerre, avaient pour but d’obtenir vengeance et de répandre la peur à travers la bande de Gaza. »

Ces violences, comme toutes celles ayant cours entre musulmans ou par des musulmans sur les chrétiens, le petit monde « décolonialiste » n’en a à vrai dire pas vraiment cure. Il se fait beaucoup plus discret, passant sous silence ces actes pour privilégier ses axes de communication habituels. Il y a une nuance entre la défense des intérêts du peuple palestinien et l’aveuglement sur les dirigeants de la bande de Gaza, qui ont certes été parfois privilégiés comme « meilleurs ennemis » par certains gouvernants israéliens qui se sont autant fourvoyés que mis en danger, mais qui sont d’abord et avant tout des terroristes fanatiques qui plongent désormais dans le chaos tout le Proche et le Moyen-Orient.
À la recherche de l’islamo-gauchisme

Les dirigeants arabes responsables ne s’y trompent d’ailleurs pas, à l’image des Émiratis et des Saoudiens qui doivent jouer une complexe partition d’équilibristes, mais qui ne sont pas dupes des menées de l’Iran qui compte à la fois sur ses proxys chiites tels que le Hezbollah et les Houthis yéménites et sur ses proxys sunnites comme le Hamas, inspiré de l’idéologie des Frères musulmans. Est-ce à dire qu’il y aurait un lien direct entre l’extrême gauche française et le frérisme ? Un islamogauchisme chimiquement pur qui trouverait sa traduction chez nous dans une partie des rangs des Insoumis ou de sa périphérie, à l’image d’Houria Bouteldja ? Si l’expression reste problématique, l’islamisme n’ayant pas besoin du gauchisme pour exister, il n’en reste pas moins qu’elle recouvre une part de réalité.

On peut notamment citer dans cette nébuleuse, outre les premiers nommés, une personnalité comme celle de l’avocat lyonnais Gilles Devers, compagnon de route de nombre de ces activistes. Avocat notamment de l’imam Mohammed Tlaghi de la mosquée de Torcy, qui avait légitimé le djihad avant d’être expulsé vers le Maroc, ou encore de BDS France, Gilles Devers a déposé en compagnie de sept autres avocats internationaux en juin 2023 un dossier devant la Cour Internationale de Justice de La Haye contre l’État d’Israël pour le compte du Conseil législatif palestinien. Cette plainte a toutes les chances d’avoir été en réalité déposée au profit du Hamas, puisque le Conseil législatif palestinien n’existe plus depuis 2007, date de la séparation officielle du Fatah avec l’organisation terroriste.

On le voit, cette toile d’influence en France s’étend jusque dans notre champ politique et métapolitique. Dans un article daté du 7 octobre[1], Le Monde indique d’ailleurs qu’une plainte concernant la colonisation cisjordanienne et les transferts forcés de populations, qui devait être déposée le lundi 9 octobre, a été retirée, Gilles Devers ajoutant un commentaire qui en dit long : « La branche armée du mouvement a décidé que c’était le moment d’agir et on a donc décidé de reporter le dépôt de la plainte ». L’expression « branche armée », également utilisée par Mathilde Panot, est d’ailleurs au cœur de sa rhétorique, puisqu’il appelle les sympathisants de la cause palestinienne à ne plus laisser dire que « la résistance armée c’est le terrorisme ».

Nonobstant ce qu’on peut penser des politiques menées par l’État d’Israël ces dernières années, largement critiquables, et du sort des Palestiniens, variable d’ajustement de tous les acteurs régionaux, à commencer par leurs propres représentants, il est inquiétant de voir que nous importons ce conflit chez nous sans aucun recul ni connaissance profonde du dossier. Les infaux se multiplient d’ailleurs, notamment à propos des votes français à l’ONU.

Un autre avocat plus médiatique, le célèbre Juan Branco, a notamment déclaré que la France se moquait du sort des civils gazaouis et avait rejeté le cynique vote russe proposant un « cessez-le-feu humanitaire ». Le vote russe ne proposait pas un « cessez-le-feu humanitaire », mais un cessez-le-feu tout court exonérant le Hamas et empêchant toute riposte. La France a en revanche voté favorablement la résolution brésilienne qui, elle, proposait en même temps une condamnation du Hamas et un véritable cessez-le-feu humanitaire face au véto américain et à l’abstention russe.

Comme d’habitude, personne n’a corrigé cette intox qui pourtant place la France dans l’œil du cyclone des foules protestataires du monde arabe, avec des conséquences directes pour nos ambassades, alors même que nous tentons de trouver une position juste et équilibrée, permettant à Israël de faire usage de la force pour éliminer cette menace terroriste mais d’y allier la volonté de protéger les civils en coordination avec les membres de la Ligue Arabe. Rappelons d’ailleurs que l’un des chefs du Hamas interrogé à la télévision américaine dressait un parallèle entre le mouvement Black Lives Matter et le sien… Il y a bien là un faisceau anti-occidental radical. Prenons-en la mesure. Il ne faut pas jouer avec le feu.