Centrafrique : l’ONU accuse l’armée et ses alliés russes de violer les droits humains

Selon l’ONU, les groupes rebelles ne représentent plus la seule menace pour les populations civiles et le bon déroulement de la mission de maintien de la paix en Centrafrique. Les forces armées et les paramilitaires russes qui les soutiennent seraient également responsables de l’instabilité qui règne dans le pays.

L’émissaire de l’ONU en Centrafrique n’a pas mâché ses mots. Mankeur Ndiaye a vivement dénoncé, mercredi 23 juin, le comportement des forces nationales centrafricaines et de leurs alliés russes, présumés responsables de multiples violations des droits humains et qui entravent gravement, selon lui, les opérations des Casques bleus de la Minusca.

Ceci représente “une nouvelle tendance”, a-t-il affirmé au Conseil de sécurité de l’ONU, évoquant des “violations des droits de l’Homme et manquements au droit international humanitaire imputables aux forces armées centrafricaines, forces bilatérales et autres personnels de sécurité” – allusion aux centaines de paramilitaires russes issus du groupe privé Wagner.

L’ambassadeur français à l’ONU, Nicolas de Rivière, aussi dénoncé l’action de paramilitaires russes. La Russie ne reconnaît la présence en Centrafrique que d’un millier “d’instructeurs non armés”. Sur le terrain, ONG et témoins évoquent cependant une présence plus conséquente et participant ouvertement aux hostilités.

Évoquant “une situation en Centrafrique dramatique”, le diplomate français a longuement questionné le rôle du groupe Wagner.

“Soyons clairs : les groupes armés centrafricains ne sont plus la seule menace pour la population centrafricaine”, a-t-il dit. Les rapports de l’ONU “pointent la responsabilité d’un acteur nouveau, qui intervient aux côtés des forces armées centrafricaines et dont le statut est un mystère. Certains s’efforceront de nier la présence de la société Wagner. Dès lors, qui sont ces hommes impliqués dans les combats, à quel titre sont-ils présents en Centrafrique et à qui répondent-ils de leur action ?”, a demandé Nicolas de Rivière.

Au nom des États-Unis, l’ambassadeur américain Richard Mills a condamné “dans les termes les plus forts toutes les attaques contre les Casques bleus”. S’appuyant sur les rapports continus portant sur des violations des droits humains et de l’embargo sur les armes par les forces centrafricaines et des instructeurs russes, il a affirmé que ces derniers “opéraient directement comme une extension du ministère russe de la Défense”.

À voir, notre entretien avec Mankeur Ndiaye, chef de la Minusca : “L’ex-président Bozizé reste une menace” pour la Centrafrique

Anna Evstigneeva, de la mission diplomatique russe à l’ONU, s’est insurgée contre une “propagande anti-russe”. Il n’y a “aucune preuve d’une présence de mercenaires russes”, a-t-elle dit, assurant que les “instructeurs russes” dans le pays “formaient les forces centrafricaines en ne participant en aucun cas aux combats”.

Entraves à la mission de l’ONU

Selon Mankeur Ndiaye, “la contre-offensive militaire” des forces centrafricaines et de leurs alliés “pour anéantir la guérilla imposée par la CPC” (Coalition des Patriotes pour le Changement, regroupant plusieurs groupes armés) a “des conséquences négatives”.

“Cela compromet toute chance de bâtir une cohésion sociale”, “aggrave la marginalisation de certaines communautés, et fait craindre la radicalisation des groupes armés”, a estimé l’émissaire. “Il s’agit là d’une nouvelle tendance qui, si l’on n’y prend pas garde, ruinera les maigres progrès difficilement réalisés dans la quête d’une cohésion sociale et de la réconciliation nationale”, a-t-il insisté.

“Le déploiement des forces bilatérales ne gagnera en utilité et en légitimité qu’à condition de contribuer à la protection des civils”, “de relever le professionnalisme et l’efficience des forces de défense et de sécurité” et “de mettre fin à la violence”, a précisé Mankeur Ndiaye, alors que Bangui a promis de mettre un terme aux entraves subies par la Minusca.

“L’ineffectivité de la chaîne de commandement et de contrôle des forces de défense et de sécurité et le défaut d’interlocuteurs crédibles auprès de certaines forces bilatérales (…) ont fini d’installer une confusion”, a aussi estimé le responsable de l’ONU.

À propos des obstructions imposées aux 15 000 Casques bleus de la Minusca, l’émissaire a dénoncé une série d’incidents, allant de fouilles “à l’invasion” d’une base onusienne à Bria pour s’emparer de carburant, en passant par la mise en joue de son adjointe le 28 mai à un barrage, la poussant à rebrousser chemin.

Venu spécialement à New York, le président angolais, Joao Manuel Gonçalves Lourenço, président en exercice de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, a demandé une levée de l’embargo sur les armes, en vigueur depuis 2013 et qui expire le 31 juillet. Russie et Chine veulent aussi sa levée mais les Occidentaux y sont opposés en raison de la situation dans le pays.