La création de la monnaie unique de la Cedeao, sur les rails depuis le début des années 1980, sera-t-elle enfin une réalité en 2020 ? Les chefs d’État réunis samedi à Abuja ont entériné ce calendrier, et se sont entendus sur son nom : « Eco ». Reste à lever une série d’obstacles.
Ils étaient tous là, ou presque. Seuls les présidents sénégalais Macky Sall et capverdien Jorge Carlos de Almeida Fonseca, n’avaient pas fait le déplacement, samedi, à Abuja, pour la 55e session ordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Si cette session a vu le passage de relais entre le nigérian Muhammadu Buhari et le nigérien Mahamadou Issoufou pour la présidence de la Cedeao pour l’année à venir, c’est surtout le projet d’union monétaire ouest-africaine qui a retenu l’attention. Et sur ce point, les chefs d’État ont entériné l’essentiel des conclusions de la réunion des ministres et gouverneurs des banques centrales des 17 et 18 juin à Abidjan.
Un nom et un calendrier
« Eco a été adopté comme le nom de la monnaie unique de la Cedeao » et devrait donc entrer en vigueur en 2020 dans les quinze États de l’espace Cedeao. Véritable serpent de mer, ce projet a cependant été repoussé à maintes reprises depuis 1983.
Les obstacles sont en effet nombreux. Pour ce faire, huit pays devront en effet abandonner le franc CFA et sept autres leur monnaie nationale. Dans son communiqué final, le sommet « réaffirme l’approche graduée (pour l’adoption) de la monnaie unique en commençant par les pays qui atteignent les critères de convergence ».
Parmi ceux-ci, les principaux sont la création de réserves de change couvrant au moins trois mois d’importations ; un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB ou encore une inflation inférieure à 10 %.
Première échéance : 29 octobre 2019
Concrétisation du rêve des panafricanistes partisans de l’abandon du franc CFA, l’adoption de la future monnaie unique ouest-africaine devra cependant faire face à de nombreux obstacles. Selon le document issu de la réunion de mi-juin à Abidjan, le modèle de la future banque centrale devrait être fédéral et le régime de change retenu sera flexible, avec un ciblage de l’inflation globale comme cadre de politique monétaire. Par ailleurs, les pays ont jusqu’au 29 octobre pour transmettre à la Commission de la Cedeao leurs programmes pluriannuels de convergence pour la période 2020-2024.
Certains experts doutent pourtant de la capacité des États à respecter ces critères de convergence. Selon certains analystes, la création d’une monnaie unique apparaît comme prématurée et aurait des conséquences incertaines. « Ce serait se lancer dans le vide », considère ainsi Ndongo Samba Sylla, économiste à Dakar au sein de la fondation Rosa Luxembourg. De son côté, Abdourahmane Sarr, ancien expert monétaire au Fonds monétaire international, estime pour sa part qu’il « s’agit d’un choix politique » avec « les conséquences à subir par les générations futures. »
« La feuille de route sera suivie. La convergence dépend des efforts que fera chaque pays pour respecter les critères. C’est un aspect essentiel et fondamental », avait pour sa part assuré Jean-Claude Brou, le président de la Commission de la Cedeao.