Désireux de remporter un succès en politique étrangère avant la présidentielle, le président américain pourrait décider prochainement de régler le différend entre les pays du Golfe.
Après le fait d’armes « en faveur de la paix » de la Maison-Blanche pour concrétiser l’accord de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis en août dernier, certains diplomates américains de haut niveau affirmaient discrètement ces derniers jours, qu’avant les élections de novembre prochain aux États-Unis, le blocus mis en place contre Doha par Abu Dhabi et Riyad le 5 juin 2017, pourrait enfin tomber.
En effet, la décision, rapidement considérée comme illégale par les Nations unies, de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis d’isoler du jour au lendemain le Qatar en juin 2017, au prétexte qu’il soutiendrait et donc financerait « le terrorisme international », semble de moins en moins tenable.
Le petit émirat a trouvé les moyens de rebondir et compense son isolement régional par la recherche de nouveaux partenaires, de nouveaux clients, et en réinjectant dans son système bancaire plusieurs milliards de dollars grâce à la puissance de son fonds souverain.
Mais ce n’est pas tout. En juillet dernier, la Cour internationale de justice, plus haute juridiction de l’ONU, prenait position contre les membres du Quartet, les accusant d’avoir fermé de manière illégale leur espace aérien à Qatar Airways et ouvrant petit à petit la voie à un procès.
Enjeux régionaux
Depuis quatre ans, Doha a également cherché à affirmer son rôle de médiateur des crises régionales en accueillant notamment les rounds de négociations entre Américains et talibans. Sans compter bien sûr sur l’importance pour les États-Unis de la base d’Al-Udeid, plus grande base yankee en-dehors du territoire américain, et qui a été essentielle pour la coalition contre Daech.
Face aux enjeux régionaux, l’instabilité dans le Golfe ne peut plus durer et le quasi-effondrement du Conseil de coopération des pays du Golfe (CCG) depuis le début de la crise n’arrange rien. Doha, par sa proximité plus pragmatique qu’idéologique avec Téhéran et Ankara, pourrait à l’avenir représenter un pôle de discussion plus important encore.
C’est pourquoi la Maison-Blanche a mis dans la balance des négociations récentes entre Israël et les Émirats, la question de la fin du blocus contre Doha, tout en laissant miroiter à Abou Dhabi les avions furtifs les plus modernes au monde, les F-35.
Ce serait une question de semaines pour espérer une « happy end » à trois ans d’impasse
David Schenker, conseiller très respecté du Département d’État pour le Moyen-Orient, affirmait ces jours-ci qu’en effet, des signes de « détente » et de flexibilité dans la reprise des négociations entre les parties, toutes hyper-connectées à Washington, avaient été observés. Ce serait selon lui une question de semaines pour espérer une « happy end » à trois ans d’impasse.
De son côté, le bloc émirato-saoudien s’est quelque peu fissuré quand Mohamed Ben Zayed, prince héritier des Émirats, a effectué un rapprochement visible avec l’Iran en juillet 2019. Idem sur le guerre au Yémen où Saoudiens et Émiratis poursuivent des agendas différents.
Donald Trump, après avoir constaté l’échec de la médiation koweïtienne et omanaise, avait missionné Jared Kuchner pour tenter de réconcilier les parties.
La tournée récente du secrétaire d’État Mike Pompéo, un peu plus neutre, était aussi un moyen de compenser le tropisme émirato-israélien trop marqué du gendre du président américain.
À deux mois de l’élection présidentielle, Trump veut remporter au moins quelques « succès »
C’était aussi un peu le voyage de la dernière chance avant le scrutin américain de novembre. Car, à deux mois de l’élection présidentielle, Trump veut remporter au moins quelques « succès » dans une région où il n’en a guère eu depuis son arrivée à la Maison-Blanche en 2016. Et il ne peut, il le reconnaît indirectement, pas faire grand-chose sans l’entremise émiratie, saoudienne et qatarie, pour le règlement de certaines crises locales.
Il aurait mieux valu tenter de trouver une issue à la guerre meurtrière au Yémen menée par MBS et MBZ avant tout, afin d’éviter la mort de près de 400 000 personnes.
Faute de cela, espérons qu’au moins, il sorte la tête haute par la résolution d’une crise dont il est en partie à l’origine, lorsque début juin 2017 il donnait raison sur Twitter à Riyad et à Abou Dhabi contre Doha.