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La visite du ministre britannique des Affaires étrangères, David Lamy, en Tunisie dernièrement a suscité un large débat parmi les Tunisiens sur son contenu et son contexte, d’autant plus qu’il a annoncé un paquet d’aides pour améliorer l’emploi des Tunisiens. Cette visite fait suite à une série de visites de dirigeants européens, dans le contexte de pressions supplémentaires sur la Tunisie pour qu’elle accepte des concessions sur la question des migrants en situation irrégulière. L’objectif affiché est d’aider la Tunisie à mettre en œuvre un programme de retour volontaire des migrants dans leur pays d’origine, mais certains observateurs craignent que cette aide n’ait un autre objectif : installer les migrants et faire de la Tunisie un gardien des frontières européennes.
Ces dernières années, la Tunisie est devenue une zone de transit majeure pour des milliers de migrants arrivant par voie terrestre à travers les frontières de la Libye voisine, Mali et autre. Plusieurs provinces tunisiennes ont récemment connu une escalade des crises, les habitants de certaines zones des villes d’Amer et de Jbanyana se plaignant de la forte présence d’Africains subsahariens avec un taux élevé de criminalité et de violence.
La journaliste et chercheuse Lamia Sharif a déclaré au site d’information Al-Ahed qu’au début, il y avait un rejet clair par la Tunisie de toute tentative d’installer des migrants ou de faire pression sur les autorités tunisiennes pour les garder sur son territoire.
«Mais récemment, nous avons remarqué un changement d’attitude des autorités compétentes vis-à-vis de ce dossier, et nous avons commencé à discuter de la manière d’organiser officiellement leur résidence. (…) La visite de la ministre britannique est intervenue après que le bureau du parlement tunisien a voté de ne pas renvoyer le projet de loi réglementant l’expulsion des migrants en situation irrégulière à la commission compétente, car l’abandon de cette proposition contredit les positions de l’autorité tunisienne concernant le refus de maintenir la présence de ces migrants», a-t-elle déclaré.
«Tous ces développements indiquent qu’il existe un accord semi-secret entre le gouvernement tunisien et les Européens pour maintenir la situation telle qu’elle est. D’autant plus que les dernières statistiques et les derniers chiffres font état d’une diminution de 80% du flux de migrants africains vers l’Europe. Selon les données, la visite du ministre britannique des Affaires étrangères en Tunisie a également été l’occasion de discussions sur la coopération dans les domaines de la migration, de la sécurité, du commerce, de l’investissement, de l’énergie, du changement climatique et de l’éducation. La participation de la Tunisie au processus de Rome, qui a débuté en juillet 2023, a été convenue à la suite d’un accord signé entre la Tunisie et l’Italie pour établir un cadre juridique pour la migration», indique-t-on.
Le président de la République, Kais Saied, a mis en avant que le problème de la migration, dirigé par des réseaux criminels transnationaux, requiert des solutions collaboratives et des efforts conjoints pour garantir une vie digne aux migrants dans leurs pays d’origine, car ils subissent des transformations graves et dangereuses.
L’ambassade britannique en Tunisie a indiqué que la visite de Lamy incluait un appui à la Tunisie dans la lutte contre l’immigration, notamment par la fourniture de drones et d’équipements de vision nocturne. Les statistiques récentes révèlent la présence de plus de 50 000 migrants en situation irrégulière sur le territoire tunisien. Parmi eux, 7250 ont été rapatriés volontairement dans leurs pays d’origine grâce à des programmes de retour librement consentis, menés en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations.