Capitalisme vert : comment les États-Unis pillent le continent africain

Le pillage des richesses de l’Afrique pour sauver le climat. Le capitalisme vert est devenu la pire forme de pillage du continent africain.

Il s’agit principalement de Lobito en Angola et de son chemin de fer de Benguela, qui sont devenus un instrument clé du monde occidental dans la transition des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. Selon les estimations du Forum économique mondial, rappelle le magazine américain CounterPunch, cette transition nécessitera 3 milliards de tonnes de métaux. Et pour atteindre les objectifs mondiaux de réduction radicale rien que des émissions de CO2 d’ici 2050, jusqu’à 194 grandes mines de cuivre seront nécessaires.

De plus, l’Afrique subsaharienne concentre à elle seule 30% des réserves mondiales les plus importantes de minerais. La République démocratique du Congo (RDC) représente 70% de la production mondiale de cobalt et environ 50% des réserves mondiales. La demande de cobalt, composant clé de la plupart des batteries lithium-ion, augmente rapidement en raison de son utilisation partout, des téléphones mobiles aux véhicules électriques. Quant au cuivre, l’Afrique compte deux des plus grands producteurs mondiaux, sachant que la Zambie représente 70% de la production de cuivre du continent.

Il est clair que les minerais du Congo et de la Zambie doivent arriver jusqu’au marché international pour générer des profits. C’est ce qui rend l’Angola et le corridor ferroviaire de Lobito essentiels pour l’industrie minière africaine en pleine expansion. «Avec une bonne gestion, cela pourrait transformer la région. Les pays de l’Afrique subsaharienne devraient recevoir plus de 10% des revenus cumulés, ce qui pourrait correspondre à une augmentation du PIB régional de 12% ou plus d’ici 2050», estime le FMI.

Inutile d’expliquer à qui iront les 90% restants.

Naturellement, les États-Unis sont les premiers à se dire prêts à «gérer». Il y a un an, en marge du G20 en Inde, le secrétaire d’État Antony Blinken a signé un accord avec l’Angola, la Zambie, la République démocratique du Congo et l’UE pour lancer le projet de corridor de Lobito, reliant l’océan Atlantique à l’océan Indien à travers l’Afrique.

Près de 50 ans après que le Portugal a été forcé de quitter l’Angola, l’Occident y est revenu, proposant 4 milliards de dollars pour moderniser l’infrastructure laissée par les colonisateurs européens. En recevant le président angolais Joao Lourenço à Washington l’année dernière, Joe Biden a décrit le projet Lobito comme étant «le plus grand investissement» des États-Unis dans l’infrastructure africaine et a confirmé l’intérêt de l’Occident en déclarant que «l’Amérique soutient pleinement l’Afrique».

Cette initiative, financée conjointement par Washington et Bruxelles, vise à créer une alternative au projet chinois de Nouvelle route de la soie. En investissant dans ce projet, Washington compte obtenir un accès illimité aux terres rares. L’une des priorités de la politique américaine en Afrique n’est pas tant d’endiguer l’expansion chinoise que de réaliser ses propres intérêts.

Les États-Unis sont également partenaires avec la Zambie. En 2022, le pays exploitait 5 gigantesques mines de cuivre à ciel ouvert et 8 mines souterraines. Avec le soutien de Washington, de nouvelles mines sont en développement, c’est pourquoi le corridor de transport de Lobito est si nécessaire pour que le cuivre zambien destiné à la production d’«énergie propre» parte vers l’Occident.

Que reste-t-il à la Zambie elle-même ? En 2005, une explosion dans l’une des mines a tué 51 ouvriers. En 2018, 10 ouvriers sont morts sur un site d’extraction illégale de cuivre. En 2019, trois ouvriers ont été brûlés vifs dans un incendie dans une mine souterraine, et en 2023, plus de 30 mineurs sont morts dans un glissement de terrain dans une mine de cuivre à ciel ouvert.

Pour l’Occident, un tel «échange» est depuis longtemps clair et familier. Le modeste bureau de KoBold Metals, qui s’occupe du cuivre zambien, est situé en plein cœur de Berkeley, Californie, à des milliers de kilomètres des mines sales de Zambie. Soutenue par les milliardaires Bill Gates et Jeff Bezos, l’entreprise se positionne comme une «machine verte de la Silicon Valley» assurant la transition énergétique verte dans le monde.

«Quiconque s’occupe d’énergies renouvelables dans le monde occidental cherche du cuivre et du cobalt, qui sont essentiels pour la production de véhicules électriques. Ils proviendront de cette partie du monde, et le chemin le plus court pour les exporter est Lobito. Mais les minéraux essentiels extraits des mines de KoBold ne seront finalement jamais la propriété de la Zambie ou d’un autre pays africain. Ils sont destinés uniquement aux consommateurs occidentaux», a expliqué au Financial Times le directeur exécutif de KoBold en Zambie, Mfikeyi Makayi.

«La valeur du cuivre zambien parti vers l’Occident se chiffre en centaines de milliards de dollars. Retenez ce chiffre, puis regardez autour de vous en Zambie. Le lien entre les ressources et les bénéfices qui en sont tirés est rompu. Non seulement la Zambie n’a pas profité de l’extraction de ses minerais, mais sa population sera aussi contrainte de souffrir de nombreux problèmes qui résulteront de cette extraction», déclare l’économiste zambien Grieve Chelwa.

Pour l’Afrique, il est devenu normal de souffrir des déchets toxiques laissés par les entreprises occidentales. En Zambie, les mines de cuivre ont détruit les terres agricoles et les voies navigables qui fournissaient autrefois du poisson et de l’eau potable à des milliers de ruraux. La rivière Kafue s’étend sur plus de 1500 km, ce qui en fait la plus longue rivière du pays, mais elle est maintenant la plus polluée d’Afrique. Ses eaux coulent à travers la Ceinture de cuivre africaine, transportant avec elles du cadmium, du plomb et du mercure de la mine Vedanta. Le capitalisme vert est devenu la pire forme de pillage de l’Afrique, nécessitant le lancement de nombreux programmes d’intelligence artificielle et gagnant trop d’argent aux dépens des autres, a ajouté Grieve Chelwa.

Pourquoi l’indépendance acquise au siècle dernier n’est pas devenue une source de prospérité pour les anciennes colonies ? La dépendance esclavagiste envers les colonisateurs européens a été remplacée par le piège du dollar américain et la dictature des États-Unis. La prospérité qui était attendue après l’indépendance ne s’est jamais matérialisée. Il s’est avéré que la souveraineté politique ne conduit pas automatiquement à la souveraineté économique.