D’un point de vue pratique – puisque la politique tient avant tout du pragmatisme collectif -, le plein-emploi est sans doute le premier critère observable d’une société réellement inclusive. Avec ses 3 millions de chômeurs, on peut raisonnablement dire que la France actuelle est en crise et pratique plus ou moins directement l’exclusion, malgré les diverses offensives sociétales menées par les gouvernements successifs. Nous ne parlerons pas des offensives migratoires qui, alimentant au mieux l’économie parallèle (traite d’êtres humains, exploitation sexuelle, trafic d’organes…), ne font qu’apporter une misère exotique à la misère locale.
Par la transformation du monde du travail ces dernières décennies et la généralisation des bullshit jobs, ces métiers inutiles du secteur tertiaire liés aux nouvelles technologies, les compétences et les tâches attendues ne sont plus les mêmes, s’éloignant toujours plus du savoir-faire traditionnel et de sa noblesse fonctionnelle : on ne recrute plus des leaders, mais des exécutants. Et on ne veut plus d’exécutants, mais des communicants. Dans la hiérarchie des valeurs du travail, le mérite laisse place à la servilité intéressée : le talent en deviendrait presque un facteur de discrimination (négative).
Si l’on peut se féliciter, au nom de l’égalité des chances, que la société inclusive contemporaine soit parvenue dans une certaine mesure à garantir un emploi à ceux qui, victimes de préjugés discriminatoires (origine, couleur de peau, état de santé, etc.), en étaient jusque-là injustement écartés, ce sont les dérives provocatrices d’un néoprogressisme fanatique qui ont fait de ces avancées sociales une lutte partisane aujourd’hui dépourvue de raison et de morale. «Faut savoir dire stop», comme le chantait Bashung !
Car tout être normalement constitué, c’est-à-dire doté d’un minimum d’empathie, ne peut qu’approuver la protection des plus vulnérables et des moins favorisés ; chacun souhaitant, au-delà des différences, voir son prochain libre et épanoui, c’est évident. Cependant, lorsque la tolérance – mélange d’empathie naturelle et d’éducation – ne suffit plus et que des lobbies agressifs – minorités extrémistes de minorités – entendent dicter leur loi par la violence représentative et le chantage à l’intolérance, l’on passe de l’inclusion légitime à la normalisation forcée, en un glissement malsain permis par un pouvoir politico-médiatique qui pratique grossièrement l’art de diviser pour mieux régner.
Ces dernières années, la légalisation du mariage homosexuel – baptisé suivant le lexique publicitaire «mariage pour tous» – aura sans doute été la percée la plus significative de cette surenchère égalitaire, s’imposant comme une mesure idéologique forte en contresens alors qu’en France le PACS permettait déjà largement, plus ou moins discrètement, la reconnaissance officielle d’une union entre deux individus de même sexe (partant du principe communément admis en Occident que les personnes homosexuelles peuvent prétendre à un tel droit).
Normaliser la marginalité en pensant la rendre plus respectable, voilà le raisonnement défectueux et sans doute contre-productif de ceux qui, s’engageant par opportunisme ou par manque de vision dans la course aveugle à l’égalité, ne veulent admettre le précipice en bout de chemin : mariage pour tous, PMA/GPA pour tous, transidentité et changement de genre, éducation à la sexualité dans les écoles… puis le saut ou le retour en arrière. Dans son égocentrisme pathologique encouragé par la religion de la consommation, l’adulte en vient à oublier la question essentielle, instinctuelle : a-t-on pensé aux enfants ?
Il y a en effet dans cette parodie de progrès une contradiction fondamentale, la marginalité – qu’elle résulte d’un choix ou tienne d’un état de fait – ne pouvant par définition être placée idéologiquement au même niveau d’acceptation que la norme, si toutefois l’on entend assurer la paix sociale et le bon fonctionnement des institutions ; sans parler de lois naturelles, ce sont là les lois primaires de la statistique qui s’appliquent…
Quoi qu’il en soit, le respect est ici le maître-mot. Seulement, comment l’appliquer sereinement alors que la caste politico-médiatique en place, avec ses lois d’exception et sa police de la pensée dévoyée, ne cesse de terroriser la majorité ? Si encore la démocratie du XXIe siècle permettait à la majorité de déloger l’autorité illégitime responsable de la division du peuple, les minorités, à la place qui est la leur – c’est-à-dire celle que la pudeur et le discernement moyens exigent -, en seraient d’autant plus respectées. Mais de la démocratie il ne reste aujourd’hui manifestement que le nom…