Guerre Israël-Hamas : Maroc, Algérie, Tunisie, des réactions contrastées

Au Maghreb et au Moyen-Orient, les réactions face à l’offensive du Hamas contre Israël varient en fonction des liens entretenus avec Tel-Aviv. Mais les autorités doivent aussi composer avec une opinion publique totalement acquise à la cause palestinienne.

Les réactions se multiplient dans les capitales du Maghreb et du monde arabo-musulman, alors que les combats se poursuivent entre Israël et le Hamas, et que le bilan humain ne cesse de s’alourdir.

Si la quasi-totalité des responsables s’accordent à condamner les attaques contre des civils israéliens, la plupart rejettent aussi la responsabilité des événements sur les autorités de Tel-Aviv. La tonalité est toutefois assez différente d’un pays à l’autre, en particulier entre les pays arabes ayant normalisé leurs relations avec l’État hébreu et ceux qui conservent une hostilité de principe au nom de la défense des intérêts des Palestiniens.

Au Maroc, où le rapprochement avec Israël, sous l’égide des États-Unis, a été particulièrement spectaculaire, le roi a appelé « à la tenue d’une réunion d’urgence du conseil de la Ligue arabe au niveau des ministres des Affaires étrangères » pour évoquer la guerre entre Israël et le Hamas.

Le ministère des Affaires étrangères a souligné dans un communiqué que le royaume « condamne les attaques contre les civils d’où qu’ils soient ». Il souligne également que le Maroc « n’a eu de cesse de mettre en garde contre les répercussions du blocage politique sur la paix dans la région et contre les risques d’aggravation des tensions qui en résultent », rappelant également qu’à ses yeux, « le dialogue et les négociations demeurent les seules voies pour parvenir à une solution globale et durable à la question palestinienne, […] sur la base des résolutions de la légalité internationale et du principe des deux États, tel que convenu au niveau international. »

Mais des voix discordantes s’élèvent aussi dans le pays. Exprimant ses « préoccupations majeures » à propos des conséquences des événements en cours, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) a ainsi jugé « l’entité sioniste » responsable de l’escalade militaire, estimant que l’attaque du Hamas doit être vue comme une « réponse naturelle » visant la « défense des droits fondamentaux du peuple palestinien » face à la « politique d’oppression, de violence, de colonisation, de racisme et de négation totale des droits du peuple palestinien par le gouvernement israélien, qui agit impunément dans l’indifférence manifeste de la communauté internationale ».
Alger accuse « l’entité sioniste »

Le ministère algérien des Affaires étrangères, quant à lui, a déclaré suivre « avec une profonde inquiétude l’escalade des agressions sionistes barbares contre la bande de Gaza, qui ont coûté la vie à des dizaines d’innocents enfants du peuple palestinien, tombés en martyrs face à l’entêtement de l’occupation sioniste dans sa politique d’oppression et de persécution imposée au vaillant peuple palestinien ».

Alger appelle les instances internationales à intervenir « pour protéger le peuple palestinien contre la brutalité et la criminalité, qui sont devenues la marque de fabrique de l’occupation sioniste des territoires palestiniens », estimant que « mettre fin aux affres et aux tragédies découlant de ce conflit passe, sans nul doute, par le respect des droits nationaux légitimes du peuple palestinien et l’établissement de son État indépendant sur les frontières de 1967 avec Al-Qods (Jérusalem) pour capitale ».

À Tunis, des militants de gauche ont commencé à se rassembler le 7 octobre dès l’annonce par le Hamas du lancement de son opération « Déluge d’Al-Aqsa ». Réunis sur les marches du Théâtre municipal, avenue Bourguiba, à l’initiative de l’Instance nationale de soutien à la résistance arabe, à la lutte contre la normalisation et le sionisme, et du Réseau tunisien de lutte contre la normalisation, les manifestants réclamaient la criminalisation de la normalisation avec Israël.

Depuis qu’elle a accueilli, en 1982, les Palestiniens chassés du Liban par l’armée israélienne, la Tunisie n’a cessé d’afficher un soutien indéfectible à leur égard. Bien que le Hamas ait déclenché l’attaque et s’en soit pris à des civils, les événements de ce week-end sont le résultat, aux yeux des manifestants, d’une agression israélienne.

Le 8 octobre, au même endroit, des dirigeants de partis d’opposition tunisiens, parmi lesquel Hamma Hammami, du Parti des travailleurs, Nabil Hajji, du Courant démocrate, et Khelil Ezzaouia, d’Ettakatol, ont relayé, aux côté de figures de la société civile, dont Ezzedine Hazgui, mais aussi de simples citoyens, leur soutien à la cause palestinienne. Dans l’après-midi, c’est la présidence elle-même qui affirmé le soutien total et inconditionnel de la Tunisie au peuple palestinien auquel elle reconnaît le droit de se défendre et de reprendre les terres dont il a été spolié.

Kaïs Saïed souligne lui aussi ce qu’il qualifie de « droit des Palestiniens à établir la capitale de leur État indépendant à Al-Qods ». À Sfax, une marche a été organisée par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et la société civile pour dénoncer « l’agression israélienne et les exactions subies par les Palestiniens depuis plusieurs décennies ». Ce lundi matin, à 8 heures, toutes les écoles du pays ont hissé le drapeau de la Palestine aux côtés des couleurs tunisiennes.
« Résultat logique »

Également membre de la Ligue arabe, Djibouti déclare pour sa part très clairement tenir « l’État d’Israël pour responsable de l’escalade en cours en raison de ses agressions continues et de ses violations constantes des droits du peuple palestinien et de ses lieux saints ». Réaffirmant sa « position constante de soutien au peuple palestinien frère dans la réalisation de ses aspirations, l’obtention de tous ses droits légitimes, y compris l’établissement de son État indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale », le pays réclame donc « une action urgente de la communauté internationale pour contraindre Israël à mettre fin à ses provocations et à ses flagrantes violations du droit international, et pour empêcher que ces événements ne servent de prétexte au déclenchement d’un nouveau conflit inégal contre les civils palestiniens ».

Dans un communiqué, le gouvernement mauritanien a, quant à lui, « exprimé sa profonde préoccupation face à l’escalade en cours dans les territoires palestiniens occupés », disant y voir « le résultat logique des provocations continues et des violations régulières des droits du peuple palestinien et du caractère sacré de la Mosquée Al-Aqsa par les autorités d’occupation israéliennes, en plus de la poursuite de l’expansion des colonies ».

Dimanche 8 octobre, une manifestation a été organisée à Nouakchott « en soutien à la résistance palestinienne et à l’opération militaire lancée par le mouvement Hamas ». L’événement a réuni des élus et des représentants de différents mouvements politiques, en particulier le chef de l’opposition, Amadou Ould Sidy El Moctar, issu des rangs du mouvement islamiste Tawassoul.

L’Égypte, quant à elle, a tenu à rester fidèle à son rôle traditionnel de médiatrice, appelant les deux camps à « faire preuve de la plus extrême retenue » et mettant en garde contre « le grave danger de l’escalade en cours ». Le président Abdel Fattah al-Sissi et son ministre des Affaires étrangères ont indiqué s’être entretenus de la situation avec le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, ainsi qu’avec les autorités émiraties, jordaniennes, turques, françaises et allemandes.
Consternation aux Émirats, fierté en Iran

Dans son édition de ce 9 octobre au matin, le quotidien israélien de gauche Haaretz souligne que, pour la première fois peut-être, « le soutien à Israël n’est plus tabou dans le monde arabe ». Le journal cite effectivement des personnes condamnant les attaques du Hamas contre des civils, mais il ne s’agit que de prises de position individuelles sur les réseaux sociaux. Dans les capitales, les réactions sont le reflet des liens que les différents pays du monde arabo-musulman entretiennent avec Tel-Aviv.

Les Émirats arabes unis, qui ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020, se sont dits « consternés » par la prise d’otage de civils israéliens après l’offensive lancée samedi contre Israël par le Hamas palestinien. En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a appelé Israël et le Hamas à « agir en faveur de la paix », soulignant qu’il ne pouvait y avoir « aucune bonne raison de s’en prendre à des civils ». À Riyad, le ministère saoudien des Affaires étrangères a appelé à « un arrêt immédiat de l’escalade entre les deux camps et à la protection des civils ».

Du côté des adversaires les plus résolus d’Israël, le président iranien, Ebrahim Raïssi, a qualifié l’attaque lancée par le Hamas de « fière opération », soulignant que l’État hébreu mettait l’équilibre régional en danger et que les Palestiniens avaient le droit à l’auto-défense. Les milices houthi (pro-iraniennes) du Yémen, enfin, ont affirmé leur soutien à l’« héroïque opération jihadiste » du Hamas, estimant que celle-ci révélait « la faiblesse, la fragilité et l’impuissance » d’Israël.