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Les ruées vers l’or saharo-sahéliennes contemporaines sont absentes des radars des études sur les relations entre ressources naturelles extractives et conflits en Afrique, dominées notamment par les travaux sur les rentes pétrolières et sur le pillage des minerais des Grands Lacs. Dans les années 2000, la hausse des prix des matières premières associée aux réformes néolibérales promues par la Banque mondiale a conduit à un regain des activités extractives en Afrique. Une abondante littérature a accompagné ces développements, soulignant les dangers potentiels d’économies fondées exclusivement sur l’extractivisme (pétrolier essentiellement) ou cherchant des alternatives juridiques pour en juguler les défauts. L’accent a été mis sur l’aspect macroéconomique de cette exploitation ou, au niveau local, sur les aspects négatifs de pratiques peu soucieuses des travailleurs et de l’environnement (sur les nouveaux codes miniers et la « malédiction des ressources », voir par exemple Campbell [2009] et Magrin [2013]). Moins nombreux ont été les travaux empiriques menés pour tenter de saisir au plus près du terrain la réalité des transformations engagées dans les territoires locaux par ces développements, et notamment les multiples mobilisations et conflits suscités [Engels et Dietz, 2017].
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Avec ses milliers de migrants qui traversent le Sahara au péril de leur vie, plusieurs conflits ouverts d’intensité variable (Sahara occidental, Nord-Mali, Tibesti, Darfour, monts Nouba, etc.), une insécurité récurrente entretenue par des contextes politico-économiques instables et inégalitaires ou encore l’existence de groupes armés radicaux (Aqmi, État islamique, milices, etc.), l’actualité sahélo-saharienne nous rappelle combien cet espace est travaillé par une multitude de dynamiques aux effets conflictuels et déstabilisateurs pour l’extérieur mais aussi structurants pour ses territoires et sociétés. Parmi ces forces à l’œuvre, le boom minier que connaît la région n’est pas le moindre. Il est principalement alimenté par le développement d’une production artisanale qui mobilise des centaines de milliers de mineurs, voire des millions si on en croit les évaluations des ministères des Mines nationaux. L’afflux d’orpailleurs, les exploitations et les revenus qu’elles procurent dans des contextes économiques marqués par la pauvreté suscitent de profonds bouleversements sociaux, économiques et environnementaux qui améliorent les situations locales ou au contraire les dégradent. Les gains potentiels créent des espoirs tout en suscitant des convoitises et de nombreux conflits sur les usages qui doivent être faits de ces ressources et la redistribution des produits de leur exploitation. En attisant les circulations transfrontalières, les rivalités pour les ressources entre individus et entre groupes dans des espaces de marges désertiques connaissant un fort sous-développement et parfois une faible régulation étatique, ces ruées vers l’or constituent-elles un facteur de vulnérabilité supplémentaire pour ces États sahélo-sahariens ou leurs populations ? Ou bien au contraire peuvent-elles représenter un stabilisateur sociopolitique en fournissant des revenus décentralisés à un très grand nombre d’hommes ? Autrement dit, les pratiques développées autour de ces activités économiques participent-elles au renforcement de modes de gouvernement souvent autoritaires de ces États ou sont-elles, au contraire, facteur d’émancipation des sociétés ?
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Cet article vise à proposer un panorama des travaux empiriques menés sur l’or dans ce vaste espace saharo-sahélien pour interroger leurs enjeux géopolitiques et notamment les conflits et violences qui l’affectent. Ceux-ci mettent aux prises les différents États de la région, les pouvoirs locaux, des entreprises industrielles internationales et les orpailleurs pour le contrôle de la ressource ; ils opposent aussi certains groupes d’orpailleurs entre eux. Il s’agit ainsi d’éclairer les interactions complexes entre l’exploitation de l’or et les conflits préexistants, la recherche de l’or étant à la fois un horizon d’accumulation économique pour des populations paupérisées ou chassées par des conflits, mais aussi un objet de rivalités entre individus et groupes, dont la rentabilité est susceptible de financer les activités violentes de groupes armés ou des nombreux États autoritaires de la région.
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Nous mobilisons ici les produits d’une veille documentaire (littérature grise et scientifique, presses nationales) et surtout plusieurs recherches de terrain menées par les auteurs depuis 2014 au Soudan, au Tchad, au Niger, mais aussi, à moindre échelle, au Burkina Faso et en Mauritanie. Malheureusement, la situation sécuritaire au Mali n’a pas permis aux auteurs d’y travailler.
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Nous décrivons d’abord l’émergence et la diffusion de l’extraction artisanale de l’or dans l’espace saharo-sahélien à travers le prisme de la notion de front pionnier. L’orpaillage produit en effet une dynamique de peuplement et de mise en valeur inédite dans ces régions désertiques de confins, souvent isolées, marginalisées et donc peu contrôlées par les États. Ensuite, nous interrogeons les facteurs et impacts de ces ruées sur les territoires concernés. Enfin, nous questionnons le rôle de l’État, à travers les implications de ses choix en termes de modèle de développement (industriel vs artisanal), puis à travers la manière dont il contrôle la reconfiguration des arènes de gouvernance locale autour des sites d’extraction artisanale.
Le front pionnier de l’or sahélo-saharien
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Historiquement, l’espace saharo-sahélien n’était pas une grande région de production aurifère. Il s’agissait plutôt d’un espace à franchir pour les caravanes connectant le monde méditerranéen aux royaumes et villes sahéliennes [Devisse, 1990]. L’or, surtout sous forme de poudre, y transitait tandis que les gisements étaient situés plus au sud [1]. Or, depuis une dizaine d’années, les ressources aurifères découvertes et jusque-là quasi insoupçonnées attisent de nombreuses convoitises, comme l’attestent le développement de projets industriels financés par des acteurs internationaux mais aussi et surtout l’apparition puis l’expansion considérable de l’orpaillage artisanal.
Un front pionnier récent et instable
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Le front pionnier de l’or saharo-sahélien reflète le contexte géopolitique instable dans lequel il s’inscrit puisqu’il fait l’objet de rivalités multiples (entre groupes armés, entre orpailleurs et États méfiants devant le potentiel déstabilisant de ces processus mais également avides de nouvelles ressources).
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Il n’existe que très peu de sociétés minières exploitant industriellement l’or au Sahara et au nord du Sahel. Cela s’explique par la faible connaissance des gisements, par un « climat des affaires » jugé peu favorable [2] malgré des lois minières revues pour attirer les investissements étrangers, mais aussi par l’inaccessibilité et l’instabilité de ces régions, qui augmentent les coûts de production. On observe cependant un essor des investissements miniers depuis une dizaine d’années. En Mauritanie, la mine de cuivre d’Akjoujt, détenue depuis 2004 par une société canadienne, fournit des résidus d’or depuis l’époque coloniale et surtout la mine de Tasiast, filiale d’une société canadienne, en extrait depuis 2010. En Algérie, malgré d’importantes réserves, les gisements du sud de l’Ahaggar (Tirek, Amesmessa, Tiririne, In Abegui, TinChaffao, etc.), annoncés comme les plus prometteurs d’Afrique après ceux du Congo, ont été exploités pour les deux premiers d’entre eux entre 2003 et 2011, à la suite d’un partenariat entre Enor (société nationale, filiale de la Sonatrach) et une société australienne, avant d’être abandonnés faute, officiellement, de rentabilité. Au Maroc, la mine d’Akka est exploitée depuis 2007 par le groupe marocain Managem. Mais, on le verra, c’est surtout dans le désert oriental égypto-soudanais, entre la vallée du Nil et la mer Rouge, que l’exploitation mécanisée a été la plus ancienne (depuis l’époque coloniale anglaise) et qu’elle est la plus active aujourd’hui. On peut ajouter que le nord du Burkina Faso et l’extrême sud du Niger comptent respectivement quatre et une mines industrielles dont l’exploitation a commencé à partir de 2007 pour les unes et 2004 pour l’autre, grâce à des investissements russes et surtout canadiens.
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Depuis une dizaine d’années, une fièvre de l’or s’est répandue à travers tout l’espace saharo-sahélien, conduisant à des ruées extractives successives. On peut mobiliser la notion de front pionnier pour désigner ce processus heurté et rapide de mise en valeur des ressources aurifères, dans un milieu désertique considéré généralement comme stérile et vide, voire « sauvage » et violent, en tout cas en marge de la « modernité » et situé souvent dans les confins mal contrôlés des États. Pour mieux cerner les dynamiques et les enjeux de cet immense front pionnier aurifère, il convient de préciser les logiques territoriales et les acteurs qui prospectent en s’affranchissant souvent des frontières nationales.
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L’émergence du front pionnier est située au Soudan et fort probablement au nord du pays, aux abords de la vallée du Nil. Comment expliquer cette matrice nubienne ? D’abord, on l’a vu, contrairement aux autres régions saharo-sahéliennes qui ont été historiquement des espaces de transit et non de production, l’orpaillage y est une activité très anciennement répandue. De même que le désert oriental égyptien exploité par les dynasties pharaoniques [3], la Nubie soudanaise a été depuis l’Antiquité une région aurifère. Plus tard l’or, associé à d’autres ressources telles que la gomme arabique, le bétail ou encore les esclaves, fut probablement parmi les principales motivations à la conquête turco-égyptienne du Soudan. Après la période coloniale, au Soudan comme en Égypte, il faut attendre la hausse spectaculaire des cours de l’or pour que ce métal redevienne stratégique et soit à nouveau exploité industriellement depuis le début des années 1990 au Soudan avec la mine d’Hassaï via un partenariat de l’État soudanais avec diverses sociétés (canadienne, française et égyptienne) et en Égypte à Hammash (entre 2007 et 2013) et surtout à Sukari (depuis 2005 avec une production effective en 2009 via un partenariat entre l’État égyptien et une société australienne). À la suite de la révolution égyptienne du printemps 2011 et du départ des forces militaires vers d’autres régions plus sensibles, des milliers d’Égyptiens des régions de Louxor, Assouan et Marsa Alam (gouvernorat de la mer Rouge) se sont lancés dans l’orpaillage [4] aux alentours des sites industriels (en entrant clandestinement dans les zones des permis) et en réinvestissant parfois à la pelleteuse ou au bulldozer les filons exploités durant l’Antiquité, commettant ainsi des dégâts irréversibles pour le patrimoine [Faucher, 2018]. Il semblerait que les techniques leur ont été expliquées et les outils vendus par des Soudanais, entrés clandestinement en Égypte et ayant déjà acquis une solide expérience en matière d’orpaillage.
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C’est donc au Soudan qu’il faut chercher l’origine du front pionnier saharien. L’introduction d’une nouvelle génération d’appareils détecteurs de métaux a contribué au renouveau et à l’expansion territoriale des activités minières artisanales. Le partenariat économique stratégique avec la Chine, ainsi que l’implantation d’opérateurs économiques soudanais à Dubaï ont favorisé la large diffusion dans le pays de matériels utiles à l’orpaillage semi-artisanal, notamment des appareils détecteurs de métaux [5] dont l’importation est officiellement autorisée au Soudan en 2008 [Chevrillon-Guibert et Magrin, 2018]. Leur introduction massive et à plus faible coût est probablement à l’origine du développement sans précédent et à grande échelle d’un nouveau type d’orpaillage « mobile », avec l’exploitation de nombreux gisements dans les sables alluviaux (placers) du désert nubien et dans les collines bordant la mer Rouge de la frontière égyptienne à celle de l’Érythrée (le bouclier nubien). Des dizaines de milliers de personnes s’improvisèrent orpailleurs et affluèrent vers les filons. De grandes concentrations de mineurs furent liées à la découverte de veines de quartz aurifère. Le front se propagea à travers une bonne partie du pays avec plus ou moins de rapidité selon les conditions sécuritaires, surtout dans les États du Kassala, Gedaref et du Nil Bleu, ainsi qu’au Sud- et au Nord-Kordofan et au Darfour. Dès 2014, le ministère des Mines a estimé à plus d’un million le nombre d’orpailleurs artisanaux. L’orpaillage a été encouragé par l’État à la recherche de rente après la partition de 2011. Alors qu’en 2009 l’or contribuait à 1 % des exportations du pays, il en fournit plus de la moitié aujourd’hui, dépassant en valeur la contribution du pétrole dont les gisements sont massivement situés dans le sud du pays qui a fait sécession et dont les cours se sont contractés en 2008-2009 puis entre 2014 et 2016. Doublant le Mali, le Soudan serait devenu en 2014 le troisième exportateur d’Afrique et peut-être le deuxième aujourd’hui devant le Ghana (107 t annoncées en 2017, ce qui en ferait le neuvième mondial) [6] [Chevrillon-Guibert, 2016]. Une raffinerie d’or a été inaugurée en 2012 [7], tandis que, selon le ministère des Mines, plus de 400 sociétés aurifères seraient enregistrées fin 2017. Cependant leur taille est très variable et, à part quelques entreprises internationales importantes comme Managem ou Russal, les projets industriels restent peu nombreux. La levée de l’embargo américain fin 2017 et l’intérêt de certains investisseurs non occidentaux pour un pays comme le Soudan (turcs, chinois, marocains, russes) pourraient conduire au développement de nouveaux grands projets industriels. Certaines entreprises canadiennes se sont aussi lancées dans l’aventure, même si la crise économique et monétaire dramatique qui frappe le pays et un régime prédateur conduisent les opérateurs à une grande prudence.
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À partir d’avril 2012, une ruée majeure s’est produite au nord du Darfour, avec la découverte d’un gisement important dans le Jebel Amir. La mine de Jebel Amir devient alors la plus grosse mine de la région. Elle compte probablement 20 000 puits et 100 000 à 150 000 travailleurs au moment de sa plus forte activité. Cette ruée s’inscrit dans le contexte d’une région en guerre depuis quinze ans. Rente inespérée dans une région ravagée par le conflit et historiquement marquée par un fort sous-développement, l’exploitation du précieux minerai suscite d’intenses convoitises et s’articule alors avec des dynamiques locales et nationales d’opposition entre communautés ainsi qu’avec le régime central, d’autant que Jebel Amir est située sur le territoire traditionnel d’un des leaders des milices progouvernementales entré récemment en rébellion contre son ancien soutien. À peine un an après sa découverte et jusqu’en 2017, le Jebel Amir devient ainsi le théâtre d’importants affrontements, ce qui n’empêche pas les activités artisanales de continuer à s’y développer. De tels conflits et la rudesse des conditions de vie et de travail n’ont pas empêché l’afflux d’étrangers des pays voisins, notamment du Tchad.
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Du Darfour, le front pionnier de l’orpaillage traversa les frontières tchadiennes à partir de la fin 2012, quand des chercheurs d’or expérimentés du Jebel Amir prospectèrent dans les régions frontalières tchadiennes du Dar Sila et du Ouadaï. Plus récemment aguerris, des orpailleurs appartenant aux communautés toubou en découvrirent aussi dans leur région d’origine au Tibesti, notamment près de l’oued Enneri Miski, ce qui conduisit à une ruée d’ampleur en 2013 [Tubiana et Gramizzi, 2017, 2018]. Dès lors, des tensions apparurent entre des orpailleurs issus des communautés locales toubou (Teda) et ceux issus des communautés voisines, notamment celles des Béri dont relève le groupe ethnique Zaghawa situé à cheval entre le Tchad et le Soudan et dont sont originaires le président tchadien Déby et les premiers cercles de son régime [Chevrillon-Guibert, 2013]. Des affrontements réguliers y ont fait des dizaines de morts depuis 2014, à la suite desquels les autorités tchadiennes décidèrent une fermeture partielle des sites le temps d’expulser les étrangers [8]. Si beaucoup continuèrent à Miski et dans les environs de Zouar, d’autres s’installèrent de l’autre côté de la frontière, en Libye (Kilinje et surtout Kouri Bougoudi), tout en continuant à extraire les roches côté tchadien. En réplique à une attaque rebelle à Kouri Bougoudi et à des manifestations contre un redécoupage territorial détachant Miski du Tibesti, l’armée tchadienne est intervenue à nouveau en août 2018 en bombardant les sites miniers. Les mines du Tibesti ont été « nettoyées » et les orpailleurs, considérés tous comme illégaux, chassés. L’or est suspecté de financer la rébellion du Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCSMR) qui défie le pouvoir d’Idriss Déby, depuis leur position dans le Sud libyen. À l’inverse, l’opposition et de nombreux membres des communautés toubou considèrent que les mines du Tibesti vont passer sous le contrôle des membres du « clan Déby ». Au Tchad, toutes les mines d’or sont officiellement fermées.
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Le bruit se répandit à partir d’avril 2014 de découverte de pépites dans la région désertique du Djado, au nord-est du Niger. L’afflux fut encore plus massif et international qu’au nord du Tchad [Grégoire et Gagnol, 2017]. Les rumeurs mais aussi les expulsions des sites miniers tchadiens conduisirent à une véritable ruée vers l’or en quelques semaines, dans une région là encore très isolée. Si les découvreurs sont des membres des communautés toubou en provenance du Tibesti, les Touareg eurent l’occasion de s’initier à leur contact à l’orpaillage. Au Nord-Niger, la prospection a ensuite conduit à la découverte de nombreux autres gisements dans l’Aïr (Gofat, Fasso, Amzeguer, etc.) et surtout à Tchibarakaten, à la frontière nigéro-algérienne, aujourd’hui en grande partie sous le contrôle de la communauté touareg. Le filon de Tchibarakaten se poursuivant en Algérie, les orpailleurs subsahariens franchissent clandestinement la frontière et exploitent de nuit les sites miniers industriels abandonnés du sud de l’Ahaggar. Selon ces derniers, pour éviter un afflux sur le territoire algérien et pour préserver les ressources aurifères, l’armée surveille, tire à vue ou capture, maltraite parfois et expulse les chercheurs d’or [9]. Pour empêcher son franchissement clandestin, l’armée algérienne a creusé des tranchées et formé des talus avec les remblais tout au long des parties roulantes de sa frontière avec le Niger.
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En moins de deux ans, le front pionnier aurifère saharien se diffusa donc d’est en ouest, depuis le Soudan au Tchad et en Libye, puis au Niger et en Algérie. Dans les confins libyens et soudanais, au niveau du carrefour que constitue le Jebel Aweynat, l’orpaillage s’est beaucoup développé. Néanmoins, seule l’extraction est pratiquée sur place car le manque d’eau (les puits produisent une eau saline problématique à coût très élevé) et l’insécurité libyenne conduisent les orpailleurs à parcourir plus de 600 km pour rejoindre les rives du Nil soudanais et le marché de l’or de Rana, afin d’y traiter leur minerai [Chevrillon-Guibert, 2018]. Cette propagation de ruées vers l’or est ensuite en partie bloquée vers le nord par l’armée algérienne et le conflit libyen et vers l’ouest par le conflit au Nord-Mali. Les prospecteurs glissèrent donc vers le sud dans les régions sahéliennes du Tchad et du Niger. Début 2016, l’or a été découvert au Tchad dans la région du Batha, près d’Ati et du lac Fitri, conduisant à l’afflux de 40 000 personnes en quelques jours [Chevrillon-Guibert et Magrin, 2018]. Au Niger, des ruées ont conduit des dizaines de milliers de citadins de Niamey et de Zinder à creuser des bas-fonds et à raser des collines, des jours durant, sans jamais découvrir la moindre once [Gagnol, Grégoire et Ahmed, à paraître]. Cette extension du front pionnier a été liée aux fermetures de sites d’orpaillage par les États, cherchant à mieux contrôler et à taxer l’activité, à attribuer des permis miniers et à encadrer la commercialisation de l’or, ainsi qu’aux évolutions locales des conflits. Le départ ou l’expulsion d’orpailleurs étrangers qui se sont reportés ailleurs a conduit aussi à la prospection et à la découverte de nouveaux gisements.
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Évitant pour un temps le Nord-Mali, les prospecteurs sahariens se sont ensuite portés vers la Mauritanie. Depuis 2016, on observe ainsi un afflux de dizaines de milliers de chercheurs d’or en Mauritanie, surtout dans la région de Tijirit et de Tasiast, autour de la mine d’or industrielle éponyme, mais aussi dans la wilaya du Tiris Zemmour jusqu’à la frontière avec l’Algérie. Là encore, les Soudanais, en particulier du Darfour, ont fait figure d’initiateurs et d’experts [10]. Les prospecteurs ont également franchi clandestinement les frontières pour étendre leur activité vers le nord, en Algérie et au Sahara occidental. La presse marocaine et algérienne rapporte ces arrivées d’orpailleurs depuis les pays du Sud, qui sont pourchassés par les militaires. En s’associant avec des nationaux, ils les initient à l’orpaillage, aujourd’hui largement pratiqué au Sahara occidental et en Algérie, et peuvent continuer leur prospection mais de façon plus discrète et risquée. En 2017, dans la province d’Aousserd près de Tichla (Sahara occidental sous contrôle du Maroc), la découverte d’un gisement a conduit à une petite ruée début 2018, jusqu’à ce que les autorités marocaines décident en mars de fermer le site situé en zone militaire et de déloger plus de 200 tentes et 500 orpailleurs, marocains mais aussi nigériens. La dernière ruée saharienne en date est celle que connaît le nord du Mali depuis fin 2017, malgré les violences qui perdurent. Dès 2017, des orpailleurs de Tchibarakaten ont poussé leur prospection entre Kidal et Tinzawatène, initiant les Touareg maliens à la prospection. Plusieurs milliers d’orpailleurs exploitent aujourd’hui les filons proches de Gouzar, sous le contrôle de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad).
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Plutôt que la figure de la tache d’huile ou d’un front linéaire qui avance, la diffusion de l’orpaillage s’est ainsi réalisée sous la forme d’une nébuleuse de sites miniers qui émergent, croissent très rapidement et se démultiplient, puis disparaissent parfois encore plus soudainement. Pour autant, à l’échelle continentale, on observe que le front pionnier aurifère s’est diffusé d’est en ouest en moins de sept ans, depuis les bords du Nil jusqu’au rivage de l’océan Atlantique [11]. Aujourd’hui, selon un rapport récent de l’OCDE (2018), l’orpaillage artisanal ferait vivre directement et indirectement 10 % de la population malienne, burkinabè et nigérienne, ce qui pourrait être généralisé à l’ensemble de la population saharo-sahélienne.
Circulations aurifères : entre techniques allochtones et pouvoir autochtone
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Du Soudan à la Mauritanie, l’orpaillage artisanal obéit à des logiques similaires qui répondent aux phases successives des ruées vers l’or. Du point de vue humain d’abord, les orpailleurs circulent et prospectent aisément d’une région à l’autre mais aussi d’un État à l’autre. Les sites miniers sont pour la plupart cosmopolites : on peut compter parfois plus d’une dizaine de nationalités et de groupes ethniques différents (à Tchibarakaten par exemple). Ce qui ne revient pas à dire, du moins pour l’instant, que s’opère un brassage des populations et qu’émerge une communauté d’orpailleurs, comme cela s’observe sur d’autres sites en Afrique occidentale [Grätz, 2004]. Les informations et les formes d’organisation du travail s’inscrivent dans des solidarités nationales, ethniques ou tribales. Sans parler de xénophobie, il existe une défiance ambivalente envers les orpailleurs étrangers. Ils sont indispensables, surtout au début des ruées, notamment en raison de leur expérience, des outils et des engins qu’ils possèdent, ainsi que des financements qu’ils peuvent apporter. Mais leur réussite conduit à des rivalités, entretenues par les tensions politiques nationales. Dans de nombreux sites, les étrangers ont été chassés, voire arrêtés et expulsés. Certains sites ont été fermés, officiellement en raison de cette présence étrangère importante, et l’insécurité qui y serait associée. Par exemple au Niger, les populations toubou s’estiment lésées par la fermeture du site minier du Djado en mars 2017 (entre 25 000 et 50 000 orpailleurs expulsés), tandis que celui de Tchibarakaten demeure toléré, ce qui traduirait la capacité des Touareg à mobiliser des appuis politiques jusqu’au plus haut du gouvernement [Tubiana et Gramizzi, 2018]. D’autre part, certains groupes sociaux cherchent à contrôler les gisements, comme au Jebel Amir, ou à garder la maîtrise sur le foncier (puits d’extraction) et les moyens de production (traitement du minerai). Dans le cas du Tibesti, une hiérarchie forte s’installe entre les communautés d’orpailleurs, reproduisant les hiérarchies sociopolitiques, qui peuvent s’inscrire dans le cadre de conflits plus larges (rivalités entre groupes saharo-sahéliens pour le contrôle de l’État depuis 1979). En Mauritanie, ce sont des personnes issues des communautés Beidan qui contrôlent les sites d’orpaillage et les machines des centres de traitement, employant pour leur force de travail des orpailleurs issus des communautés « négro-mauritaniennes » du sud du pays (Soninké, Toucouleur, Wolof). Interdits sur les sites d’extraction, des centaines d’étrangers, notamment des pays voisins, sont employés comme main-d’œuvre du traitement du minerai ou pour leur expérience dans l’exploitation aurifère (Maliens, Soudanais à Chami en Mauritanie par exemple). Au début de la ruée en 2016, de nombreux Soudanais venus parfois depuis le Niger sont entrés clandestinement en Algérie, ont été tués ou emprisonnés et expulsés. La diffusion rapide du front pionnier s’explique donc par la grande mobilité des orpailleurs, qui passent d’un site à un autre selon les rumeurs, les découvertes, les opportunités ou les expulsions, les fermetures de sites et les conflits. Les orpailleurs sahéliens travaillant antérieurement dans les mines industrielles (Mali, Burkina, Ghana, Nigeria…) ont mis à profit leur expérience pour tenter leur chance dans ces ruées, tandis que les populations nomades ont pu reconvertir leur savoir-faire de la mobilité saharienne dans cette prospection itinérante par détecteurs qui correspond à la première phase de la ruée.
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Les techniques mobilisées par l’orpaillage artisanal sont également communes à l’ensemble saharo-sahélien. Distinguons plus précisément deux phases dans les ruées. La première, plus caractéristique et marquée dans l’espace saharo-sahélien, est fondée sur la capacité des orpailleurs à être mobiles et rapides grâce à une bonne connaissance du terrain, une organisation du travail souple et l’usage d’outils simples et légers complétant celui d’appareils détecteurs de métaux. En petites équipes autonomes ou équipées et financées par un « patron », les orpailleurs circulent rapidement dans des véhicules 4 × 4 et prospectent sur de grandes distances, franchissant parfois clandestinement les frontières nationales. Une répartition des tâches s’opère entre les membres du groupe : chauffeurs/mécaniciens, cuisiniers/chargés du ravitaillement, prospecteurs (ceux qui manient le détecteur et ceux qui, à l’aide de pioche et de pelle, décapent le sol) et parfois gardes armés.
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Si ces équipes peuvent être disséminées, elles peuvent tout aussi bien se regrouper très vite lorsqu’un site prometteur est découvert. Se produit alors une ruée plus ou moins importante. On passe ainsi à une deuxième phase de la ruée qui repose sur une exploitation plus stable et intensive, notamment lorsqu’un filon est repéré. L’exploitation devient plus technique et coûteuse car elle s’opère en creusant de plus en plus profondément le long de la veine aurifère. Si dans la première phase l’or est détecté sous la forme de pépites (qui sont aussi un moyen de paiement), le minerai extrait des filons doit être traité mécaniquement (concassé, broyé puis réduit en poudre, lavé et trié) puis traité chimiquement pour purifier et fondre l’or. Ce processus complexe demande un capital de départ et des investissements beaucoup plus importants pour acheter ou louer les machines, explosifs et produits chimiques (mercure ou cyanure), ainsi que pour l’emploi d’un personnel plus nombreux et spécialisé. Alors que les orpailleurs sont plutôt des équipes autonomes et mobiles dont les membres sont dans une relation relativement égalitaire, la deuxième phase correspond à l’apparition d’une forte division du travail et on assiste, selon les pays et les situations locales, à l’émergence de sociétés minières prenant en charge les moyens de travail, le ravitaillement, les soins, etc. et cherchant à se faire reconnaître par l’administration centrale. À Tchibarakaten et dans l’ensemble des régions du Soudan, ce processus de reconnaissance et de formalisation est bien engagé, avec l’appui des autorités centrales à l’orpaillage artisanal devenu semi-industriel.
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Une troisième phase des ruées pourrait être identifiée lorsque ce processus de légalisation des mineurs artisanaux est fragilisé par les conflits ou des politiques économiques pro-industrielles qui conduisent les États à décider de la fermeture des sites pour préparer l’octroi de permis minier à des firmes industrielles transnationales. C’est le cas par exemple au Niger où le Liptako et le Djado sont officiellement fermés à l’exploitation artisanale, en raison de la circulation de groupes armés dans ces régions, ou dans la région du Fitri au Tchad où l’État espère l’installation d’une mine industrielle. La situation peut aussi être intermédiaire, comme en Mauritanie, où les autorités centrales ont attribué des vastes « couloirs d’orpaillage » et aménagé deux « centres de traitement » (Chami et Zouerate), tout en octroyant également de tout aussi vastes et sans doute plus avantageuses concessions minières industrielles [12].
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Avant d’analyser ces régulations, les modèles de développement qui les portent et les conflits qu’ils peuvent générer, revenons sur les conditions qui ont rendu possible ce boom minier et présentons les impacts territoriaux multiformes de ces ruées.
Facteurs et impacts territoriaux du boom minier
Des facteurs multiples entre dynamiques sahéliennes et influences mondialisées
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Plusieurs facteurs ont participé à l’essor spectaculaire de l’exploitation aurifère et expliquent son ampleur. Ils reflètent l’intersection de dynamiques à la fois internes à l’Afrique, comme l’existence d’une très nombreuse population jeune et pauvre à la recherche d’emploi, de dynamiques liées à la mondialisation, tout en s’insérant dans des contextes géopolitiques particuliers. L’envolée des prix des minerais liée à la demande mondiale et notamment chinoise, la stabilisation de ces prix à un niveau élevé malgré la crise financière de 2008, avec en parallèle la diffusion d’outils et de techniques de production abordables pour le plus grand nombre, ont en effet largement participé à ce que l’orpaillage (re)devienne une activité extrêmement attractive dans le Sahara et le Sahel.
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Parmi ces facteurs, on retrouve ainsi la démographie des différents pays sahéliens, qui présentent une forte fécondité depuis les années 1950, et un marché du travail en panne, que ce soit en ville ou à la campagne. De tels contextes ont favorisé la recherche d’alternatives dans des contextes souvent extrêmement précaires où l’économie formelle moderne (industrie, services) n’absorbe qu’une très faible part des flux démographiques et l’agriculture rencontre de multiples difficultés (vulnérabilité climatique, pression foncière, etc.). Des crises géopolitiques récentes ont renforcé l’intérêt de l’orpaillage. Au Soudan, avec la séparation de la partie sud du pays et la perte concomitante des deux tiers de la rente pétrolière qui lui était associée, l’économie soudanaise a plongé dans une grave crise incitant les individus à chercher des alternatives pour survivre. Dans plusieurs sociétés pastorales du Sahel central (Peul, Touareg, Toubou et Arabes du Mali, Niger, Tchad), la Libye de Kadhafi fournissait un horizon essentiel aux trajectoires individuelles de nombreux jeunes éleveurs pauvres : on partait quelques années en Libye avec l’espoir d’y accumuler assez pour pouvoir ensuite se constituer un cheptel suffisant pour se marier et s’autonomiser de ses parents. La disparition de cet horizon migratoire, avec la chute de Kadhafi en 2011 et l’instabilité qui s’est installée depuis en Libye, a également eu pour effet de renforcer l’attractivité de l’orpaillage [13]. Dans ces conditions, les mines artisanales représentent pour un très grand nombre, jeunes ou moins jeunes, citadins ou ruraux, de véritables opportunités à saisir, même si le travail y est dur. La chance de trouver le bon filon ou la grosse pépite nourrit des rêves d’enrichissement rapide. L’exemple de ceux qui ont pu améliorer leur existence (et investir, se marier, etc.) grâce au travail à la mine est un moteur puissant des vocations extractives. À ce titre l’or occupe une place privilégiée dans les imaginaires contrairement à d’autres activités minières à l’image très dégradée (charbon, zinc, etc.).
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Les innovations techniques, mentionnées ci-dessus, liées à la mondialisation contemporaine et au contexte économique de l’Afrique, ont également contribué à ces ruées. On observe ainsi une baisse sensible du prix de certaines machines et des moyens de transport, notamment grâce à la diffusion des matériels chinois ou indiens vendus directement dans les pays ou à Dubaï. Parmi ces innovations on retrouve principalement les détecteurs de métaux. Très utilisés au début des ruées pour détecter l’or de surface, ils conservent ensuite leur intérêt pour suivre le filon quand les mineurs commencent à creuser. On peut mentionner également l’accès à un outillage de plus en plus sophistiqué à la fois pour l’extraction depuis le sol (marteaux-piqueurs, treuils, pompes à air, tractopelles, etc.) mais aussi de l’or contenu dans la roche grâce à des moulins combinant l’action mécanique de concassage du minerai et celle chimique de l’amalgamation au mercure. La dynamique est telle que dans certains pays l’activité artisanale a fait naître une activité semi-industrielle de recyclage des déchets produits par les mineurs, activité rendue possible notamment par l’existence d’usines chinoises vendues « en kit ».
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D’autres outils ont également favorisé l’activité artisanale, comme les tamis mécaniques. On voit aussi se diffuser de nouvelles pratiques de creusage et de soutènement des puits, permettant de creuser et d’exploiter jusqu’à 70 m de profondeur, grâce à des motopompes (permettant d’évacuer l’eau) et à des systèmes d’aération permettant de ventiler le fond des puits ; des treuils à manivelle permettent de faire descendre plus aisément les creuseurs. Enfin, on assiste au perfectionnement des techniques de traitement des minerais, souvent en utilisant le mercure et le cyanure, pour amalgamer l’or.
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Les innovations socioéconomiques dans la gestion de ces activités et l’augmentation du capital mobilisé, qu’il soit technique ou financier, ont été également des facteurs importants dans ce boom minier. Des patrons nationaux et des étrangers (surtout chinois) ont investi dans des formes de mine artisanale mécanisée : on reste dans des permis de mine artisanale, mais on est très loin des formes les plus rudimentaires de l’exploitation artisanale. Les investissements peuvent atteindre des millions de dollars (contre des centaines de millions de dollars pour des mines industrielles, financés par la capitalisation boursière mondialisée).
Des impacts territoriaux multiformes
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Ces booms extractifs occasionnent des changements importants sur les territoires concernés. Des villages se créent près des sites de ruées, avec de nombreux commerces et services associés aux activités ; tandis que des villages existants voient leurs fonctions de centralité renforcées. C’est par exemple le cas de la petite ville de Chami, située à mi-chemin de la route reliant Nouakchott à Nouadhibou. Véritable aubaine pour ce bourg créé de toutes pièces par le gouvernement pour favoriser la sédentarisation des populations nomades de la région, le boom minier a favorisé son peuplement quand les autorités centrales ont choisi de faire de Chami un des sites de traitement de l’or. Les fronts miniers apparaissent ainsi comme un des principaux facteurs d’urbanisation par le bas. Notons cependant qu’il peut exister un important décalage territorial entre la localisation des gisements et le développement de nouvelles villes minières. L’encadrement des autorités ou encore les nécessités techniques de l’orpaillage (important besoin en eau pour la phase d’extraction) favorisent l’établissement des « centres de traitement », ou « marchés d’or » selon l’appellation soudanaise, dans des sites disposant d’un bon approvisionnement en eau (bords du Nil par exemple au Soudan) ou favorisés par des politiques d’aménagement du territoire spécifiques, parfois éloignés des sites d’extraction. L’enjeu est alors pour les orpailleurs de rejoindre ces sites, tandis que pour les représentants des pouvoirs locaux, il s’agit de ne pas subir trop de nuisances liées à ces activités nouvelles tout en parvenant à en percevoir des revenus [Chevrillon-Guibert, 2018].
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Un avantage des activités minières artisanales est d’être dans l’ensemble une activité très inclusive. Ainsi, autochtones comme allochtones peuvent obtenir des droits et des revenus, dans des proportions variables suivant la position de chacun dans le système (suivant que l’on soit découvreur de site, creuseur, employé de la chaîne de traitement, pourvoyeurs de services : restauration, réparation, services divers…) ; les revenus sont différents, mais chacun peut espérer une place. C’est ce qui explique l’ampleur des ruées : l’exploitation artisanale fournit directement et indirectement des revenus à un très grand nombre de personnes.
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Néanmoins, ce boom minier et les rentes qu’il crée dans le contexte de régions sahéliennes extrêmement pauvres ne s’opèrent pas sans rivalités et conflits. De nombreux acteurs aux intérêts parfois contradictoires espèrent tirer profit du développement de ces activités minières : investisseurs étrangers, bien sûr, mais aussi nationaux, collectivités locales, ainsi que surtout l’État central ou encore simples particuliers en quête d’une vie meilleure, migrants espérant trouver un pécule pour payer son voyage vers l’Europe, etc. En mettant en jeu tant d’intérêts divers dans la région, ces ruées, où plus d’un million de personnes évoluent à la recherche de filons, brouillent encore plus le tableau des mouvements de population internes aux pays concernés (réfugiés et déplacés des conflits, migrants économiques, candidats à la migration en Europe, etc.). Comme nous l’avons mentionné dans le cas du Jebel Amir, du Tibesti ou encore du Nord-Mali, elles s’articulent aussi intimement avec les conflits de la région.
Les rôles de l’État : entre tentation rentière et compromis locaux
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Face aux processus très rapides et volatils des ruées vers l’or, les États de l’aire saharo-sahélienne hésitent entre la tentation d’industrialiser le secteur aurifère pour l’incorporer dans un modèle rentier classique et un encadrement lâche de l’orpaillage permettant de nouveaux équilibres sociopolitiques locaux. Les difficultés pratiques orientent souvent largement les choix entrepris mais restent les problématiques liées aux orientations politiques générales des projets de développement.
Quel modèle de développement ?
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En Afrique saharo-sahélienne comme dans une vaste majorité des pays du Sud, les modèles de développement sont influencés depuis le processus de globalisation des années 1980 par la diffusion de politiques néolibérales de dérégulation, privatisation et libéralisation. La promotion du secteur minier engagé par les différents gouvernements sahéliens semble s’inscrire parfaitement dans ce processus, avec une refonte des codes miniers et d’investissement qui favorise la marchandisation des terres et des ressources au profit d’investisseurs industriels souvent étrangers – d’origine variée mais où dominent, dans le secteur de l’or, les transnationales occidentales [14], en particulier canadiennes – et la promotion d’une économie capitaliste rentière [Leclerc-Olive, 2017].
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Cependant, avec ce modèle de développement qui favorise des acteurs nationaux ou étrangers, de nombreux acteurs locaux se trouvent évincés alors même qu’ils espèrent bénéficier de nouvelles rentes. Beaucoup considèrent même que ces ressources auxquelles aspirent des acteurs locaux constitueraient une juste compensation dans la mesure où c’est le niveau local qui pâtit le plus des effets négatifs de ces ruées, qu’il s’agisse des problèmes d’insécurité qui se développent souvent en parallèle à ces ruées, car les armes se déplacent avec les hommes à travers les frontières, et la volatilité des richesses extraites en fait des cibles toutes désignées pour le banditisme armé, ou des tensions à gérer par les autorités coutumières entre autochtones et allochtones, ou encore de l’impact environnemental de ces activités minières (déboisement, pollution des sols, etc.) et en termes de santé. Après le passage des orpailleurs, le paysage des sites exploités ressemble en effet à un champ de bataille, où les puits d’orpailleurs évoquent des trous d’obus. De larges superficies sont défrichées et abandonnées en l’état après exploitation, interdisant toute activité agricole ou d’élevage. L’arrivée massive de migrants dans des zones reculées exerce des pressions très fortes sur la faune sauvage (largement braconnée) et sur la végétation (outre le défrichement et la recherche de bois de chauffe, le prélèvement de bois pour le soutènement des puits détruit les espèces les plus recherchées). L’utilisation massive de produits chimiques (cyanure, mercure) utilisés sans précaution ni protection, au péril de la santé des orpailleurs et de l’environnement, est aussi problématique puisqu’ils sont rejetés dans la nature et donc voués à se retrouver dans les eaux de surface et les nappes phréatiques, puis dans la chaîne trophique. Au-delà de constituer un argument important dans le discours local pour revendiquer une part au moins de la rente minière, ces effets négatifs et tout particulièrement les pollutions font aussi l’objet de vives contestations locales que les États ne sont pas toujours prêts à entendre – car eux non plus ne souhaitent pas voir entamée leur part de la rente.
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Ces contestations des effets négatifs des activités minières alimentent souvent un fort ressentiment latent des acteurs locaux des régions périphériques vis-à-vis de l’État central, à qui ils reprochent un accaparement des rentes du développement, soit directement par l’appareil étatique au détriment des collectivités locales, soit par des segments de cet appareil ou encore d’une manière patrimonialisée par des proches des régimes. Cet accaparement peut prendre plusieurs formes, même s’il s’opère fréquemment par l’octroi de licences d’exploitation à des firmes industrielles ou des tolérances face à des activités de contournement des procédures officielles de régulation de la rente.
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Les politiques d’industrialisation du secteur s’inscrivent donc dans ce système complexe de négociations de la rente minière, dans la mesure où les activités artisanales sont censées profiter à un plus grand nombre et de façon plus répartie sur les territoires nationaux comparativement aux activités industrielles. Celles-ci favorisent une économie qui concentre la rente dans les mains de quelques grands hommes d’affaires proches du régime ou d’entreprises souvent étrangères qui négocient leurs contrats dans les plus hautes sphères de l’État. Néanmoins, cette dichotomie entre activités artisanales favorisant des dynamiques décentralisées et une industrialisation favorable au pouvoir d’État doit elle-même être nuancée car les activités artisanales permettent également un redéploiement et un contrôle de l’État central sur les territoires et leurs acteurs, grâce à une renégociation permanente des équilibres locaux précaires dans des régions périphériques promptes à la contestation.
Contrôle étatique à distance sur les configurations politico-extractives locales
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Dans les États sahéliens, nombre des conflits qui opposent les rébellions armées aux gouvernements en place s’organisent autour de l’épineuse question du contrôle des rentes et de son injuste partage au niveau national, avec des régions sahariennes souvent délaissées [15]. En ce sens les conflits du Darfour, des monts Nouba et du Nil Bleu au Soudan ou encore celui mené par l’Azawad au Mali l’illustrent de façon criante. Dans ces régions sahariennes délaissées l’existence de cette nouvelle rente minière attise à la fois les convoitises et les espérances car beaucoup des gisements se situent sur leurs territoires.
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Les tensions pour le contrôle de la ressource dégénèrent parfois en conflits ouverts (au nord du Tchad, au Darfour, dans le Sud libyen notamment), que ce soit à travers des affrontements directs sur les sites d’extraction, ou de traitement, ou par le biais de violences pour contrôler certaines ressources associées au processus de production (fourniture d’essence, d’eau, convoyage du minerai, sécurité, etc.).
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Ces conflits et tensions s’articulent alors aux dispositifs transfrontaliers régionaux et aux conflits de ces régions. Il existe des arrangements locaux concrets entre orpailleurs, rebelles armés, big men locaux et autorités (locales et nationales). C’est le cas dans le Tibesti, où le régime tchadien a commencé par fermer les yeux sur le conflit opposant les populations locales toubou aux orpailleurs issus des communautés Zaghawi voisines dont est issu le président Déby. Cependant, l’ampleur prise par ce conflit en 2013 a fini par pousser le gouvernement à intervenir et interdire les activités, bien que des tolérances subsistent vis-à-vis de commerçants d’or Zaghawi. C’est aussi le cas de la mine de Jebel Amir, où le régime de Khartoum a favorisé le passage du contrôle de la mine d’une milice progouvernementale à une autre qui lui était plus loyale.
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Au niveau local, même quand l’État central cherche à contrôler les activités artisanales, il se trouve aux prises avec des tractations multiples, que ce soit avec les propres segments de son administration ou avec des big men locaux (surtout dans les territoires périphériques saharo-sahéliens) tout en restant le plus souvent un point de passage obligé pour certains aspects du processus d’exploitation [Calkins et Ille, 2014]. Cet aspect diffère grandement de ce qui se passe dans le secteur industriel, où l’État central exerce seul le pouvoir d’attribution du droit d’accès aux ressources (aux entreprises transnationales). On comprend alors aisément que les régimes autoritaires de la plupart des pays sahéliens préfèrent bénéficier de ce contrôle. Cependant, les ruées vers l’or sahéliennes ont abouti à la mise en place d’une situation dominée par l’orpaillage artisanal, et les États s’adaptent et négocient avec cet état de fait [Chevrillon-Guibert et Magrin, 2018].
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Si l’on reprend le cas de Jebel Amir au Soudan, les relations entre l’État central et Musa Hilal, l’autorité traditionnelle de la région qui a contrôlé les activités minières jusqu’en août 2017, illustrent ces processus de chevauchement et de négociation que l’on retrouve de façon plus ou moins exacerbée dans les différents territoires concernés par le boom aurifère [16]. Peu de temps après la découverte de l’or dans la localité de Jebel Amir, Musa Hilal a déployé une administration ad hoc en charge de gérer l’exploitation de la mine et de taxer les activités, alors que l’usage dans les autres régions voulait que ce soit plutôt les collectivités territoriales qui gèrent ces activités au même titre que celles relevant de l’agriculture [Chevrillon-Guibert, 2018]. La gestion du secteur ne s’inscrivait donc pas dans l’ossature officielle de l’administration locale. Musa Hilal s’appuyait sur le soutien des milices progouvernementales qu’il dirigeait pour le compte de l’État après que celles-ci ont fini par être intégrées officiellement dans les forces de défense populaires du régime après leur rôle tristement célèbre au début du conflit darfourien [17]. À cette époque, la domination de Musa Hilal et de ses hommes fut contestée à maintes reprises par des groupes issus d’autres communautés locales revendiquant eux aussi des droits traditionnels sur le site. Plusieurs affrontements armés eurent lieu directement sur le site. Cependant, Musa Hilal disposait d’un appui tacite du gouvernement central, qui se gardait bien de froisser un précieux allié de sa contre-insurrection darfourienne, bien qu’il ait probablement préféré contrôler directement la précieuse rente. Il tolérait ainsi le pouvoir autoproclamé de Musa Hilal et son enrichissement important, tout en luttant contre l’influence grandissante de ce dernier par le biais d’autres mécanismes. Ces arrangements s’inscrivent dans un contexte où l’État soudanais est aux abois financièrement après qu’il a perdu une grosse partie de son budget avec l’indépendance du Soudan du Sud et de l’économie pétrolière qui lui était liée. Il n’a donc plus les moyens de financer son effort de guerre et les milices sur lesquelles il s’appuie au Darfour pour combattre la rébellion comme dans la décennie précédente. La rente minière apparaît ainsi comme une aubaine permettant un financement décentralisé de ses affidés. Cependant, l’évolution du conflit darfourien et du jeu politique national a fait évoluer les choses en la défaveur de Musa Hilal, finalement arrêté à l’automne 2018. L’intervention en 2018 de l’armée aux côtés d’une autre figure milicienne pour déloger un Musa Hilal disgracié confirme cependant le maintien de ce mécanisme de rétribution des alliés par la rente minière.
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La proximité de la région avec les frontières libyenne et tchadienne ajoute de la complexité à la situation, dans la mesure où de très nombreux travailleurs étrangers venus à la recherche du précieux minerai sont présents sur le site de Jebel Amir. Originaires d’autres territoires et bien souvent d’autres communautés ethniques, ils ne dépendent pas des autorités coutumières contrôlant la zone, ce qui minimise l’emprise de ces dernières sur eux et accroît l’influence des détenteurs d’armes. À ce titre, l’évolution de l’économie politique du conflit darfourien a également conduit les groupes rebelles à participer au processus de captation de la nouvelle rente minière. Cela s’observe au niveau individuel, de la part de combattants de moins en moins payés par leurs groupes en raison de la durée de la guerre et de la disparition progressive des soutiens étatiques (chute de Khadafi en Libye, conflit civil au Soudan du Sud, accords entre le Tchad et Khartoum pour la lutte contre les groupes d’opposition, etc.). Les combattants se transforment alors en orpailleurs, utilisant leurs voitures et leurs armes pour tenter de trouver le précieux minerai dans des zones très peu sûres. La captation de la rente minière se trouve également institutionnalisée par les groupes armés qui, tout comme la CMA citée plus haut, cherchent des moyens financiers. La mise en place de check points sur des routes empruntées par les orpailleurs ou leur rançonnage violent sont choses courantes dans le triangle transfrontalier situé au nord du Darfour, à l’est du Tchad et au sud de la Libye. C’est aussi le cas dans le nord du Tchad [Tubiana et Gramizzi, 2017 et 2018].
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Moins spectaculaires peut-être, parce que plus localisés et de moindre ampleur financière pour le moment, les arrangements du pouvoir central tchadien quant au contrôle de la nouvelle rente minière s’apparentent largement à ce schéma. Dans la région du lac Fitri, par exemple, il semblerait que la ruée vers l’or qui a vu le jour au début de l’année 2016 a été confisquée par les plus hautes sphères du régime : les activités ont été tout bonnement interdites au motif que de futures régulations allaient être mises en place (installation d’une mine industrielle). En attendant, le site abritant le gisement a été confié à la surveillance de la garde présidentielle, suspectée d’être autorisée à en tirer quelques bénéfices.
Conclusion
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Les ruées vers l’or contemporaines au Sahara et au nord du Sahel apparaissent ainsi comme des dynamiques ambivalentes : elles permettent une précieuse distribution de revenus à un grand nombre d’hommes dans un contexte de crise régionale. Mais leurs effets varient selon les contextes. Lorsqu’ils sont à peu près iréniques (Mauritanie, Niger), elles fonctionnent comme stabilisateur sociopolitique, du moins tant que les États ménagent les orpailleurs en évitant de promouvoir un modèle industriel exclusif. Dans les régions déjà caractérisées par de fortes tensions géopolitiques (Soudan, Sud-Libye, Nord-Tchad), l’absence de régulation étatique légitime ou leur instrumentalisation rendent les rivalités pour les ressources aurifères explosives et les amalgament aux autres facteurs conflictogènes existants.
Notes
[1]
L’orpaillage et l’activité minière industrielle ne sont anciennement pratiqués qu’à l’extrême sud de la zone sahélienne dans les régions du Bambouk, du Bouré et en pays Lobi (sud du Sénégal et du Mali, nord de la Guinée, sud du Burkina Faso).
[2]
Créé par la Banque mondiale, l’indice de la « facilité de faire des affaires » mesure les réglementations nationales favorables aux investissements des firmes transnationales : les pays saharo-sahéliens y sont classés dans le bas du tableau.
[3]
Le papyrus trouvé près de Thèbes et conservé à Turin, datant probablement du règne de Ramsès IV, est sans doute la plus ancienne carte au monde localisant des mines. Il s’agit plus exactement de la représentation d’un itinéraire qui permet de se rendre à la mer Rouge en passant par les mines d’or de l’oued Hammamat dans le désert oriental [Baud, 1989]. Les archéologues ont mis au jour plus de 250 sites miniers [Klemm et Klemm, 2013], dont certaines techniques sont encore utilisées aujourd’hui (emploi du feu dans les filons, puits d’extraction, moulins et rampes de lavage, etc.).
[4]
Depuis cette date, selon le gouvernorat de la mer Rouge, on estime qu’entre 1 et 2,5 tonnes d’or y sont exploitées illégalement chaque année. En 2017, la presse nationale a relayé l’évacuation par l’armée de quatre sites, qui font partie des concessions minières à pourvoir par le ministère des Mines, et l’arrestation de 280 orpailleurs.
[5]
En 2009, en raison de la fièvre de l’or au Soudan, il y a eu pendant 6 à 9 mois une rupture de stock mondiale dans la commercialisation de détecteurs de métaux de plusieurs marques (Le Fouilleur magazine, n° 32, 2010), notamment des détecteurs à induction pulsée qui conviennent mieux à la recherche d’or natif dans les sols fortement minéralisés.
[6]
Le caractère extrêmement politique des données chiffrées dans le contexte d’une économie en crise et d’un régime qui se veut « développeur » invite à la plus grande prudence quant aux chiffres officiels annoncés.
[7]
Le Soudan a été suivi en cela par le Mali et le Ghana en Afrique de l’Ouest. L’Égypte a le projet de construire un complexe industrialo-commercial autour de l’or à Suez. Aujourd’hui l’or est surtout raffiné au Moyen-Orient (notamment Dubaï). L’Afrique du Sud, le Botswana, la Namibie, le Mozambique, la Tanzanie, l’Éthiopie et l’Ouganda possèdent aussi une raffinerie.
[8]
Madjiasra Nako, « Tchad : quand la ruée vers l’or provoque des tensions intercommunautaires », Jeune Afrique, 15 août 2014, <www.jeuneafrique.com/47036/societe/tchad-quand-la-ru-e-vers-l-or-provoque-des-tensions-intercommunautaires/>.
[9]
Par exemple, en 2015, selon la presse nationale, le bilan officiel dressé par l’armée algérienne surveillant par moyens terrestres et aériens ses frontières sahariennes faisait état de l’arrestation de 774 individus impliqués dans la recherche illégale d’or et la saisie de 522 détecteurs de métaux, sans parler des marteaux-piqueurs, groupes électrogènes, véhicules, armes, or, téléphones satellitaires, etc. qui ont été réquisitionnés. En 2014, il s’agissait de 502 orpailleurs et 671 détecteurs. En avril 2016, 503 Tchadiens et 289 Soudanais ont été expulsés vers leur pays après plusieurs mois d’emprisonnement.
[10]
Enquêtes de terrain à Chami (Mauritanie), février 2018.
[11]
De même qu’en Afrique de l’Ouest, la corne de l’Afrique, de l’Érythrée à la Somalie, connaît aussi un développement spectaculaire de l’orpaillage en continuité avec celle du Sahara-Sahel : certains Érythréens et Somaliens se sont expérimentés au Soudan et, inversement, des Soudanais revendent du matériel de détection jusqu’au Somaliland. Il y aurait également plusieurs centaines de milliers d’orpailleurs en Éthiopie, au Sud-Soudan, en Ouganda, etc.
[12]
L’orpaillage artisanal accède difficilement au minerai au-delà d’une cinquantaine de mètres, quand les mines industrielles peuvent l’exploiter dans des carrières de 300 m de profondeur.
[13]
Entretiens menés par Charline Rangé, 2018.
[14]
Sauf au Soudan où les orientations politiques du pays (islam politique) et l’embargo américain (aujourd’hui partiellement levé) ont limité les investissements occidentaux.
[15]
Ce qui ne signifie pas que les groupes originaires de ces régions n’aient pas accès aux rentes de l’État : au Tchad, depuis 1979, se succèdent au pouvoir des originaires de différents groupes sahariens, ce qui s’accompagne d’une mise en coupe réglée de l’État au profit des premiers cercles du pouvoir, accentuée depuis l’ère pétrolière entamée en 2003, ce qui ne garantit pas un meilleur investissement de la rente dans les régions d’origine.
[16]
L’analyse développée ici ne s’appuie pas sur un recueil de données direct du fait de la situation sécuritaire de la zone mais sur des entretiens menés à Khartoum (2016, 2017 et en France 2018) ou dans des sites miniers du nord du pays auprès d’orpailleurs darfouriens ou ayant travaillé au Darfour. Elle s’appuie également sur des sources secondaires (divers journaux).
[17]
Ces milices Janjawid ont été accusées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour les exactions qu’elles ont commises dans les premières années du conflit.