La junte militaire malienne saborde ses partenariats sécuritaires, malgré la déferlante de la violence des militants

La junte militaire malienne a aliéné ses partenaires sécuritaires régionaux et internationaux alors même que la violence des groupes islamistes militants est en plein essor, provoquant un pic dans les décès de civils.

Depuis sa prise du pouvoir en août 2020, la junte militaire malienne a aliéné ses partenaires sécuritaires régionaux et internationaux et poursuivi une stratégie qui n’a fait qu’exacerber la violence des militants islamistes qui menacent le pays et accélérer la crise sécuritaire au Sahel.

La violence attribuable aux groupes islamistes militants a quasiment doublé depuis que la junte a pris le pouvoir en 2020, et les décès annuels associés à cette violence ont plus que doublé en 2022. Les civils en ont payé le tribut le plus lourd. Plus de civils ont été tués au Mali au cours de chaque trimestre de 2022 qu’au cours de toute année précédente. En 2022, les morts liées à la violence contre les civils se sont avérées sept fois supérieures à 2021.

Alors même que la population subissait cette escalade, la junte a restreint les activités des troupes de ses partenaires sécuritaires régionaux et internationaux y compris les rotations de leurs contingents, les autorisations de vols, les manœuvres et les routes de patrouilles. Cela a aussi impliqué :

  • La détention de soldats ivoiriens déployés pour soutenir la MINUSMA.
  • L’expulsion de dirigeants des Nations unies.
  • Le retrait unilatéral du Mali du G5 Sahel, y compris de sa Force conjointe, réduisant dramatiquement la coopération sécuritaire avec ses voisins et augmentant la vulnérabilité des régions frontalières fréquemment ciblées.
  • La réduction importante des forces internationales et régionales dans le nord du Mali a contribué à l’essor de la violence des militants islamistes dans les régions de Gao et Menaka. L’État islamique au Grand Sahara (EIGS) a tiré profit d’une présence internationale diminuée et de l’incapacité de la junte à rétablir son contrôle sur la région. Des forces liées au Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimin (JNIM) et à l’EIGS se battent ouvertement pour le contrôle de ce territoire à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger.

Les forces statutaires internationales soutenant le Mali auront diminué de 40 % d’ici la fin 2023, comparé à leurs niveaux de 2020. Leurs chiffres devraient encore baisser de 15% d’ici la fin 2024.

Cependant, la junte a accueilli environ 1.000 combattants du tristement célèbre groupe paramilitaire russe Wagner.

  • La junte et Wagner ont ciblé les civils dans environ 60 % des opérations où ils se sont associés.
  • Lorsque des personnes ont été tuées lors d’opérations conjointes de Wagner et des Fama, quatre sur cinq d’entre elles étaient des civils, et souvent ces victimes étaient des femmes, des enfants ou des vieillards.
  • Ces décès représentent 40 % de tous les décès attribués à la violence contre les civils au Mali en 2022.
  • La junte malienne a souvent usé de campagnes de désinformation coordonnées pour préparer le terrain à l’arrivée de Wagner et pour expulser ou restreindre le soutien statutaire au Mali.

Plus de 2,7 millions de personnes ont été déplacées par l’essor de la violence et de l’insécurité au Sahel.

Une empreinte sécuritaire diminuée

Un soutien international en diminution

MINUSMA

À l’approche de la fin de son mandat actuel en juin 2023, l’ONU a proposé trois options possibles pour le futur de sa mission de maintien de la paix au Mali. La première envisage une mission renforcée, mais qui exigerait à la fois que la junte garantisse la liberté de mouvement des gardiens de la paix, et qu’elle progresse dans la transition vers un gouvernement civil. Ce scénario impliquerait également une augmentation des contingents déployés. La seconde option propose de fermer le volet en uniforme de la mission et de la remplacer par une mission politique spéciale. La troisième option maintiendrait la configuration actuelle des troupes, mais réduirait de manière importante le mandat de la mission.

Étant donné que plusieurs pays contributeurs de troupes ont déjà annoncé qu’ils retireraient leurs soldats, et que la junte ne donne aucune indication qu’elle accepterait les paramètres proposés pour la MINUSMA, il est probable que la mission soit fermée, accroissant l’exposition des communautés maliennes à l’insécurité. Cela semble même être l’objectif de la junte, puisqu’elle a, aux côtés de Wagner, agi de nombreuses fois pour paralyser la mission de l’ONU. La junte a aussi empêché la mission de conduire des enquêtes indépendantes sur des allégations d’abus des droits humains, comme à Moura où au moins 450 personnes ont trouvé la mort.

G5 Sahel

Les quatre États membres restants du G5 Sahel, c’est à dire le Niger, le Tchad, la Mauritanie et le Burkina Faso, ont tous encouragé le Mali à réintégrer l’organisation régionale. Étant donné que l’efficacité de la Force conjointe dépend de la conduite d’opérations conjointes transfrontalières, le retrait de la junte malienne du G5 l’a rendue de facto non fonctionnelle.

Missions dirigées par l’Union européenne

La European Union Training Mission au Mali (EUTM Mali) a diminué de moitié le nombre de ses troupes déployées au Mali. Elle continuera à soutenir les Forces armées du Mali en matière de conseil stratégique et de formation jusqu’à la fin de son mandat en mai 2023. Toutes les activités opérationnelles et non opérationnelles sont suspendues, avec toutefois la capacité de les reprendre si les conditions requises sont atteintes pour créer des forces capables, durables et sous contrôle démocratique.

La European Union Capacity Building Mission au Mali (EUCAP Sahel Mali) est une mission de l’Union européenne qui a pour objectif de renforcer la capacité des civils à gérer les crises au Mali. Son mandat a été prolongé par le Comité politique et de sécurité de l’Union européenne jusqu’à janvier 2025, et ce avec une allocation de plus de 75 millions de dollars. L’EUCAP a adapté sa mission à la situation volatile au Mali et se porte maintenant tout d’abord sur la Police nationale dans le sud du pays. Le redéploiement des forces de sécurité internes dans le centre du Mali pourrait reprendre le cas échéant.

L’opération Barkhane et la Task Force Takuba ont toutes deux achevé leur mission et retiré leurs forces du pays en 2022. Depuis 2020, il avait été prévu de réformer l’opération Barkhane dirigée par la France et de la transformer en la mission Takuba, dirigée par l’UE. Mais l’expulsion par la junte malienne du contingent danois de la Takuba en janvier 2022 a précipité la fermeture de la force de l’UE. Sur la demande de la junte, la France a retiré toutes ses troupes du Mali en août 2022.